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Une trentaine de scientifiques français et africains lancent un cri d’alarme pour la création d’infrastructures sanitaires en Afrique

Mon ami Ibrahima Thiam, secrétaire général de l’INSERM, l’un des plus grands centres Européen en matière de recherche scientifique, par ailleurs président du mouvement Un Autre Avenir vient de lancer un cri d’alarme en compagnie de trente scientifiques français et africains en faveur de la création d’infrastructures sanitaires et de recherche en Afrique. Et avec l’actuelle pandémie de Covid 19 qui affecte le monde entier il y a urgence pour protéger les populations. Reste maintenant à ce qu’il soit entendu par les autorités de santé africaines.

TRIBUNE

Dans un monde où le développement est de plus en plus lié aux innovations technologiques, le continent qui ne suit pas le mouvement se condamne à l’errance. Les chercheurs formés sur le continent sont rares et ambitionnent plutôt de trouver refuge dans des régions du monde qui consacrent à la recherche des budgets conséquents. Découragés par le manque d’infrastructures et de moyens mis à leur disposition, ces chercheurs déploient rapidement leurs ailes vers l’occident.

Cette saignée de l’intelligentsia africaine est telle que certains dirigeants occidentaux ont poussé le cynisme jusqu’à adopter le concept de l’émigration choisie. L’Europe offre un appel d’air pour favoriser la fuite des cerveaux. Il est courant de croiser dans les laboratoires et/ou hôpitaux européens et américains des Professeurs des universités praticiens hospitaliers (PUPH), des médecins, des directeurs de recherche, des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des post-doctorants africains qui ne serviront plus jamais leur pays voire leur continent.

À l’échelle continentale, les États doivent dégager des enveloppes budgétaires significatives pour financer des projets cadres de recherche médicale de grande envergure sur les thématiques du paludisme, du VIH, d’Ébola, du diabète, de la tuberculose, des cancers, de l’hépatite, etc. Autant de maladies qui déciment le continent et pour lesquelles nous devrions financer des programmes pour trouver les thérapies idoines.

Les Etats africains se sont pourtant engagés, en signant l’accord d’Abuja en 2001, à allouer 15% de leur budget au secteur de la santé. Vingt ans après, aucun d’entre eux n’a atteint ce seuil, et ce même si les dépenses publiques par habitant sont passées, en moyenne, de 70 à 160 dollars. Un montant cependant dérisoire, qui contraint nombre d’Africains à rechercher à l’étranger des soins qu’ils ne trouvent pas dans leur propre pays. Ainsi le tourisme sanitaire des hauts dignitaires politiques est organisé pour se faire soigner en Occident. Les populations démunies, n’ayant pas la possibilité de se déplacer, n’ont pas accès à des soins de santé de qualité. Faute de moyens, les hôpitaux sont dépourvus de plateaux techniques performants.

Pourtant, les conséquences de la crise sanitaire liée au nouveau coronavirus devraient aujourd’hui inspirer les dirigeants africains afin qu’ils remettent la santé au cœur de leurs préoccupations. La Covid-19 a démontré l’urgence pour l’Afrique d’investir dans la recherche scientifique et dans la santé. Le continent africain manque cruellement d’infrastructures sanitaires et de laboratoires de recherche adéquats.

Une fois les épidémies (variole, poliomyélite, ébola, ..) passées, il y a une tendance à l’amnésie jusqu’à ce que de nouveaux virus sévissent. Il faut se rappeler dans un passé pas si lointain, lorsque le traitement antirétroviral (ARV) contre le VIH/sida a été mis au point aux États-Unis. Même si l’Afrique comptait une population beaucoup plus importante de personnes infectées par le VIH, il a fallu au moins six ans avant que ce traitement vital ne soit disponible pour les malades africains.

Aujourd’hui encore, les pays occidentaux ont entamé depuis quelques semaines leur campagne de vaccination contre la Covid-19, le continent africain court encore le risque d’être laissé de côté.

Cette crise ne nous laisse pas le choix. Elle implique de changer radicalement la vision sur laquelle reposent nos modèles de développement et nos paradigmes. En réalité l’apparition d’un « nationalisme médical ou vaccinal » contraint aujourd’hui le continent à ne plus être attentiste ou de se contenter d’être de simples consommateurs de produits pharmaceutiques, fabriqués ailleurs. Pire, l’Afrique est toujours en attente de fonds extérieurs pour lancer l’achat de doses de vaccins. Aussi la recherche est dans une situation précaire, car elle souffre d’un cruel défaut de financement durable. Les questions de protection et valorisation des résultats de recherche ne sont que très peu prises en compte. Cette situation est insoutenable voire insupportable parce qu’une réponse continentale est possible en misant sur le génie africain.

Les dirigeants africains doivent impérieusement et rapidement mettre sur pied de grands instituts ou des agences qui seront chargés de piloter et de coordonner la gouvernance de la recherche. Le continent africain a l’impérieuse nécessité de rebâtir de toutes pièces un autre système pour mieux former ses enseignants, ses chercheurs et les ingénieurs, et ce dans toutes les disciplines de recherche fondamentale et appliquée. Cette vision est partagée par Cheikh Anta Diop et d’autres depuis très longtemps. Si une politique monétaire commune est préconisée, il n’en demeure pas moins vrai qu’une gouvernance de la politique sanitaire continentale est plus que nécessaire pour assurer la souveraineté de nos États.

Afin de remédier au manque d’infrastructures, le développement des partenariats public-privé (PPP) devrait être encouragé. Les entreprises privées peuvent, en effet, être efficacement appelées à financer les infrastructures sanitaires, leur équipement et leur gestion. Ensuite les fonds récoltés et les prêts attribués pour lutter contre la pandémie, ne doivent pas uniquement servir à soutenir les entrepreneurs en difficulté. Une partie des fonds Covid-19 devrait permettre la création d’infrastructures hospitalières aux normes internationales et de laboratoires de recherche de grande envergure.

Nous appelons de tous nos vœux que la recherche soit une priorité continentale pour hisser l’Afrique parmi les grands ensembles qui soutiennent des programmes de recherche cliniques pour l’amélioration des conditions de santé de leur population.

 

Ibrahima THIAM, Secrétaire Général du CRSA (Inserm – Sorbonne Université)

Dr Elhadj Moussa NDIAYE, Radiologue libéral Clinique Notre Dame, (France)

Dr Bréhima KOUMARE, Directeur des laboratoires d’analyses médicales, (Mali)

Dr Gafar Ismael ASSANI, Gastro-entérologue, Kaolack , (Sénégal)

Babacar NGOM, Microbiologiste, Enseignant – chercheur (Sénégal)

Alioune TINE, Fondateur du Think Tank Afrikajom Center

Dr Seydina Limamou DIAGNE, Gériatre Nutritionniste, IPRES , (Sénégal)

Dr Abdoul Aziz GBAYA,Senior Consultant Global Health Programs Mangement, (Sénégal )

Massamba MBAYE, Enseignant – Consultant communication, (Sénégal)

Daniel S. MITCHODJEHOUN, Médecin Dakar (Sénégal)

Amadou BARRY, Anesthésie-réa CHU Béthune (France)

Aldo L. DJEGUI, Chirurgien ORL, Kolda (Sénégal)

Olatoundji CHABI, Hépato-gastroentérologue Abidjan (Cote d’Ivoire)

Landry G. SAGBO, Médecin santé publique (Nigéria)

Nourou Dine A. BANKOLE, Neurochirurgien, chercheur Neurosciences, WFNS Rabat training center (Maroc)

Babacar L. DIOUF, Médecin Kaolack (Sénégal)

Carlos NOUATIN, Médecin Dakar (Sénégal)

Gilles GOUDJINOU, Médecin Dakar (Sénégal)

Mouhamadou Abdoulaye THIAM, Médecin Dakar (Sénégal)

Georgia BRAHI, Pharmacienne d’officine Cotonou (Bénin)

Charmance GUEDENON, Gynéco-obstétricienne Port-Gentil (Gabon)

Arcade MPENDU BUNDI, Médecin Kaolack (Sénégal)

Serigne Mbakhe THIAM, Médecin Dakar (Sénégal)

Michèle FOTSO, Santé publique, (France)

Aichetou DIALLO, Hépato-gastroentérologue Nouakchott (Mauritanie)

Romziath RADJI, Médecin Dakar (Sénégal)

Jean-Marie DOGNON, Médecin Dakar (Sénégal)

Éric ODOU, Médecin Lomé (Togo)

Lagrange Fidèle SINMENOU AGNANKPE, Consultant, Fondateur et Directeur Exécutif du Laboratoire de Recherches et d’Actions Diplomatiques (LaRAD)

 

« Décapiter les terroristes », où la valeur et le poids des mots

Paris-Match a inventé il y a longtemps le célèbre slogan, qui depuis à fait fait florès, « le poids des mots, le choc des photos ». Ne dit-on pas que certains mots peuvent tuer aussi aisément qu’une balle. Combien d’hommes en effet ont été déshonorés sous l’effet, et le poids, des mots ? De même qu’il existe aujourd’hui une cyber-guerre il a toujours existé, depuis la nuit des temps, la guerre des mots.

Il suffit de se reporter dans notre histoire récente pour constater l’influence de la propagande de Goebels et les discours d’Hitler sur la montée du nazisme. Les mots employés, à dessein, par ces deux tribuns ont précédé de peu le claquement des gâchettes et leur puissance ont fait l’effet de balles meurtrières.

On sait, aussi, l’effet qu’ont eu dans notre histoire contemporaine les phrases célèbres de Charles de Gaulle comme «  je vous ai compris » à propos de la guerre en l’Algérie, ou « vive le Québec libre » pour ne citer qu’elles,  ainsi que la fameuse injonction des soixante-huitards «  Il est interdit d’interdire ». Les mots qui ont influé sur le cours du destin sont légions.

Le choix des mots n’est jamais innocent, pas plus dans une déclaration d’amour «  je t’aime »,  que de guerre «  je te hais ». De leur usage une destinée peut être radicalement transformée, pour le meilleur, comme pour le pire. C’est dire l’importance de la sémantique dans notre vie quotidienne, car derrière un mot peut se cacher une volonté, une intention, une stratégie, un changement de politique. Les mots ont une puissance terrifiante, songez encore à ceux—ci, toujours de Gaulle, descendant les Champs-Élysées en 1944 : « Paris bafoué, Paris humilié, mais Paris libéré ! »

Souvenons-nous aussi de la célèbre phrase de Charles Pasqua, alors ministre de l’intérieur : «  Il faut terroriser les terroristes », ou de celle de Poutine promettant aux terroristes de « leur botter  le cul,  jusque dans les chiottes ». Des mots en l’air, des propos de circonstances, des formules toute faites ? Ou plutôt des avertissements ? Dans le cas de Pasqua, prononcés  avec l’accent méridional et son allure de Fernandel ces mots ont fait pschit, mais dans la bouche de l’ancien colonel du KGB ils ont eu une toute autre résonance, et on a vu comment il a traité les terroristes Tchétchènes. Ainsi, il y a les mots et la façon dont ils sont prononcés, en ce sens le vocabulaire sera, ou non, meurtrier.

Aussi quand Emmanuel Macron, lors du récent G5 Sahel, a eu ces mots inattendus «  il faut décapiter les organisations terroristes » – recourant au vocabulaire de Daesh – la question qui se pose est la suivante : est-ce l’ancien inspecteur des finances qui s’est exprimé, ou l’admirateur de Bonaparte et du général de Gaulle ? Dans le premier cas ces mots n’auront qu’une portée symbolique, dans l’autre cas on se souviendra que de Gaulle lorsqu’il avait, dans une conférence de presse à l’Élysée,  évoqué les dirigeants de l’OAS en parlant d’un « quarteron de généraux à la retraite » : Salan, Jouaud, Challes et Zelker, tout le monde avait compris qu’il engageait une lutte sans merci contre ces militaires « félons, séditieux ». Et c’est ce qui produisit, l’OAS fut anéantie. C’est la différence entre une formule creuse et un tir sans sommation.

Si demain, sur le terrain au Sahel, Emmanuel Macron réussit à traduire ses mots en actes, sans faiblesses, on saura qu’en utilisant le langage  de nos ennemis il leur a fait passer un message sans ambages, « les démocraties sont trop souvent faibles, et c’est de leur faiblesse qu’elles meurent, jusqu’au jour où … »

En 1938 à Munich c’est parce que nous n’avons pas eu précisément le courage de dire « non » à Hitler afin d’éviter la guerre … que nous  avons justement eu la guerre et que nous l’avons perdue, en même temps que nous avons perdu notre honneur, comme l’avait si bien prédit W. Churchill.

E. Macron cherche sans doute, en recourant à cette sémantique guerrière, à éviter que l’histoire qui bégaie au Sahel ne se répète.  La lutte que nous menons contre les jihadistes doit être impitoyable car en voulant nous imposer leur charia c’est notre civilisation qu’ils rejettent, c’est l’idée même de la République, de la laïcité et de nos valeurs démocratiques et humanistes qu’ils veulent anéantir. Nous ne pouvons pas perdre cette guerre et si Emmanuel Macron réussit à éradiquer, « décapiter » ces barbares Moyenâgeux , nous saurons alors qu’il a chaussé les bottes de Bonaparte, ou de de Gaulle, que cela plaise, ou non, à certains.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono

 

SCOOP : L’interview exclusive de Souleymane Traoré, Directeur général de la police nationale du Mali

En décembre dernier, lors du dernier conseil des ministres du gouvernement malien, le contrôleur général Souleymane Traoré a été nommé Directeur général de la police nationale du Mali. Il se trouve que je connais bien Souleymane qui a été reçu major de la promotion africaine au concours d’entrée de l’Ecole nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont d’Or. Nous avons en effet été condisciples, en 2009, à l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice, (INHESJ) à Paris. Depuis lors nous avons noué une relation d’amitié qui ne se s’est jamais démentie au fil des années et c’est avec plaisir qu’il a accepté de répondre en exclusivité à mes questions pour Ichrono et Diasporavision. Il nous livre ici sa vision en matière d’ordre et de sécurité.  

 

Question :  Quand on entre dans une carrière de policier, ce qui a été votre cas en 1989, ambitionne-t-on de devenir un jour le directeur général de la police nationale de son pays ?

S.T – C’est un objectif qui me paraissait trop abstrait pour y réfléchir vraiment et ce n’était pas ma préoccupation première. Cependant, plus je m’élevais en grades et notamment quand je suis devenu Contrôleur Général, je réfléchissais à ce que je pourrais apporter à mon administration dans l’hypothèse où je serais nommé DG. Pour vous faire un aveu, je n’y pensais pas chaque matin en me rasant. Et puis les circonstances ont joué en ma faveur et j’ai accédé à ce poste prestigieux qui comporte de nombreuses responsabilités, surtout au Mali où règne une instabilité dans les villes en raison de la présence de groupes de criminels et jihadistes. Autant dire qu’à peine nommé on n’a pas le temps de se reposer sur ses lauriers et la réalité du quotidien chasse vite les honneurs.

Question : Au cours de votre formation, qui s’est faite aussi bien aux Etats-Unis à l’Académie du FBI qu’en URSS à Moscou, vous êtes aussi passé par l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité (INHES) dont vous êtes diplômé. Que vous ont apporté ces différentes formations ?

S.T – Toutes ces formations, séminaires, conférences, stages etc. n’ont eu qu’un but, me permettre, à la rencontre de collègues étrangers, d’approfondir mes connaissances dans tous les aspects d’un métier qui est devenu très complexe du fait du développement des nouvelles technologies, et de la science criminelle, balistique. 

Question : Votre dernier poste, avant celui de DG de la police nationale, était au sein de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières, l’équivalent français de TRACFIN, le Mali est-il à ce jour une plaque tournante du blanchiment en Afrique ?

S.T – Les récentes études ont révélé qu’en Afrique de l’Ouest de façon générale, la promotion immobilière est un moyen qui permet de blanchir l’argent sale afin de le réinjecter dans les circuits bancaires et financiers. Chaque pays africain, comme d’autres dans le monde, est l’objet de trafics incessants, multiples et variés. Qu’il s’agisse de drogue, d’armes, de cigarettes, mais aussi d’êtres humains, comme on l’a vu avec la Libye mais pas seulement. Chacun de ces trafics alimente des circuits clandestins, une économie souterraine, qui fournit les ressources nécessaires aux réseaux terroristes et aux bandes organisées pour réaliser des braquages de banques et de particuliers. Il est donc très important d’agir à la source, là où l’argent circule, afin de couper les tentacules de la pieuvre mafieuse et de l’hydre jihadiste. Au FBI on raconte encore aujourd’hui que c’est à la suite d’une enquête fiscale de l’IRS qu’est tombé, dans les années trente, l’ennemi public n°1 de l’Amérique, le célèbre Al Capone. « Suivre l’argent » est donc très important pour débusquer les délinquants et les criminels.

Question :  Parmi vos missions actuelles, vous avez celle de la lutte contre le terrorisme, or votre pays vit depuis plusieurs années sous la pression des jihadistes. Comment les forces de police maliennes assurent-elles la protection dans le pays, de la communauté française estimée à quelques cinq mille personnes ?

S.T – Le pays est en guerre et vit sous l’état d’urgence, sans oublier la Covid 19, mais aujourd’hui, grâce à l’effort conjugué de l’armée malienne, de la gendarmerie et de la police en collaboration avec les forces onusiennes, nous sommes parvenus à quadriller le pays de nos forces de l’ordre et de sécurité et à protéger les populations, y compris les quelques cinq mille ressortissants français présents au Mali. C’est une mission difficile, de tous les instants, très dangereuse aussi car les bandits et les jihadistes disposent d’armes automatiques, et même d’armes lourdes. Ils vont même s’en prendre à nos policiers, dans leurs commissariats, et c’est pourquoi j’ai donné des instructions très fermes pour que les périmètres de ceux-ci soient mieux protégés et les sentinelles très vigilantes, jour et nuit, car il y va de la vie de nos hommes. Malgré cette pression nous démantelons très régulièrement des bandes organisées en arrêtant les malfaiteurs et en saisissant des armes et du matériel. C’est un travail de longue haleine qui ne nous laisse aucun répit. J’en profite pour remercier l’énergie que déploient nos policiers sur le terrain.

Question : Vous avez pris votre poste fin décembre de l’année dernière, il est donc un peu tôt pour dresser un premier bilan de votre activité en revanche pouvez-vous nous dire quels sont vos objectifs en matière de lutte contre la criminalité et la sécurité des populations ?

S.T – En m’accordant leur confiance, les plus hautes autorités de notre pays m’ont confié la mission d’être sans faiblesse à l’égard des criminels et des délinquants. Récemment j’ai eu l’occasion de déclarer que « la peur devait changer de camp » et j’ai ajouté « la police doit être le cauchemar des criminels et des délinquants ». Au-delà des patrouilles régulières, pédestres et motorisées, nous multiplions les opérations coup de poing dans certains quartiers connus pour abriter des malfaiteurs et leurs trafics. En donnant ainsi un coup de pied dans la fourmilière nous faisons en sorte qu’ils se sentent en insécurité. Je n’ai qu’un mot d’ordre : la sécurité des habitants et de leurs biens et c’est aussi l’instruction que j’ai communiquée à tous les commissariats d’arrondissement.

Question : Une grande partie du territoire malien est hors de contrôle des autorités maliennes, comment la police parvient-elle malgré tout à être présente sur le terrain et rassurer les populations locales ?

S.T – Comme je vous le disais précédemment, les choses ont changé, aujourd’hui nos forces de sécurité sont présentes dans la plupart des régions et d’ici quelques temps chaque commune disposera de son commissariat afin que les policiers soient plus proches de la population pour la rassurer et la sécuriser. 

Question : Quels moyens comptez-vous employer pour éradiquer les différents trafics, d’armes, de drogues, de cigarettes, qui créent une forme d’insécurité en même temps qu’ils nuisent à l’économie du pays en tant qu’économie « souterraine » ?

S.T – Comme je vous l’expliquais, en étant très présent dans les quartiers, car souvent notre seule présence est dissuasive, et sur la base d’une « tolérance zéro » en pourchassant les malfaiteurs, petits et grands. Il faut opposer à la violence illégale des criminels et des délinquants la puissance légitime de l’Etat, car force doit toujours rester à la loi. Pour cela j’ai effectué de nombreuses visites dans les commissariats afin de remobiliser, redynamiser nos policiers, afin qu’ils se sentent investis d’une mission noble au service de la nation, celle de gardiens de la paix. Et depuis un mois et demi nos résultats sont plus qu’encourageants.

Question :  Votre ministère de tutelle est aussi celui de la protection civile, quelles sont les tâches essentielles qui sont assignées aux agents qui relèvent de cette administration.

S.T – Notre administration est comparable à celle de tous les pays du monde, elle assigne aux fonctionnaires qui y sont attachés la mission de protéger toutes les personnes par des moyens appropriés afin de prévenir les risques de toute nature. Je pense en particulier à nos sapeurs-pompiers qui font un travail remarquable, en portant constamment secours et assistance à la population. Il s’agit de personnels, comme les policiers et les gendarmes, habitués à intervenir dans l’urgence et dans toutes les situations et je veux leur rendre hommage. 

Question : Envisagez-vous d’établir une forme de coopération avec votre homologue français au sein du ministère de l’Intérieur, voire avec d’autres directeurs généraux ailleurs dans le monde ? 

S.T – Cela ne fait qu’un mois et demi que j’ai pris mes fonctions, il m’a fallu faire connaissance avec les services et les personnels, effectuer des visites importantes aux côtés du ministre. Ce genre de rencontres, indispensables pour mieux se connaître et travailler ensemble entre pays amis, viendra en son temps, d’ici quelques mois. Vous évoquiez ma formation à l’Ecole de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or en France, et il se trouve que deux de mes camarades de promotion sont devenus l’un DG de la police nationale du Burkina Fasso et l’autre DG de la police de l’Union des Comores. La coopération internationale sur le plan criminel est indispensable pour une plus grande efficacité. 

Question : Qu’aimeriez-vous apporter de nouveau à la police nationale de votre pays sur le plan des relations humaines ou d’innovations technologiques ?

S.T – Comme je l’ai dit à nos personnels, dont je suis à l’écoute quotidiennement, je souhaite pouvoir augmenter leurs effectifs et développer la formation. La cybercriminalité, inconnue il y a quelques années, fleurit désormais à travers les réseaux sociaux et le DIark web, et il nous faut y répondre en formant de bons techniciens. Je veux veiller aussi à leur équipement notamment en ce qui concerne l’armement individuel, Enfin je souhaite développer le partenariat entre la population et la police, car la sécurité n’est pas que l’affaire de la police, elle est l’affaire de tous. J’ai demandé pour cela à nos fonctionnaires d’être à l’écoute de celle-ci, y compris de ses critiques et de les faire remonter à la hiérarchie afin d’y remédier. Je tiens en effet à un respect total de l’éthique policière par nos personnels à qui on ne doit reprocher aucun abus de droit dans l’exercice de leurs fonctions. Leur honneur et celui de notre administration en dépendent. Comme vous le voyez, il s’agit d’un programme ambitieux pour lequel je m’engage totalement.

N. B Au terme de notre entretien j’ai remercié Souleymane Traoré, après avoir évoqué avec lui  nos rencontres par le passé, à Paris, alors qu’il était Conseiller de l’ambassade du Mali en France. On était loin d’imaginer le destin qui serait le sien quelques années plus tard, mais ne dit-on pas “l’avenir appartient aux audacieux”. En se quittant je lui ai souhaité bon courage dans l’accomplissement de ses nouvelles responsabilités, et aussi bonne chance dans les missions qui sont désormais les siennes. Et je me suis dit en moi-même que le Mali avait de la chance d’avoir des serviteurs d’une telle qualité.

Interview réalisée par Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono et rédacteur en chef pour la France de Diasporavision

Pour que le sacrifice des soldats français au Sahel ne soit pas inutile

Aujourd’hui au Tchad, se réunissent, autour d’Emmanuel Macron, en visioconférence Covid 19 oblige,  plusieurs chefs d’Etat du G5 Sahel, le Tchad, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, et le Niger. Et il ne fait aucun doute que la réduction de la présence française au Sahel sera dans tous les esprits. Pour quel avenir de ces pays et du nôtre ?

Pourquoi ce désengagement progressif dans une région infestée par les jihadistes. Poser la question c’est y répondre. Depuis 2013 nous avons perdu cinquante hommes. C’est peu, penseront cyniquement certains si l’on met ce chiffre en parallèle avec celui des 5000 soldats qui composent la Force Barkane. C’est énorme, en revanche, pour une opinion publique qui n’en peut plus d’assister à des honneurs militaires rendus trop souvent dans la cour des Invalides. Ce phénomène ne devrait d’ailleurs pas nous surprendre, c’est le même qui a conduit les américains à se retirer du Vietnam, sous la pression médiatique et de la population américaine. C’est le même aussi qui a conduit l’URSS de l’époque à se retirer d’Afghanistan. Avec les conflits modernes basés sous la haute technologie : missiles, avions de chasse, drones, etc. qui permettent de tuer l’ennemi sans être tué, à distance, on n’accepte plus aucun mort dans nos rangs. La vue même du sang nous révulse et pour l’éviter on recourt à des pilotes de drones, basés dans le Nevada qui, depuis leur jeu vidéo, peuvent exécuter en direct à des milliers de kilomètres une bande de barbus hirsutes à bord de leur 4 x 4 Toyota ou Nissan. On évite ainsi d’assister en live aux soubresauts des corps criblés de balles, on tue désormais dans l’anonymat le plus complet, de façon désincarnée. Sauf qu’au Sahel on se bat aussi et on meurt dans des corps-à-corps. C’est d’ailleurs notre peur de la mort qui réjouit tant nos ennemis qui quant à eux l’aime davantage que la vie, étant promis à toutes les félicités  en rejoignant Allah. Et ce sang que nous ne voulons pas voir, eux, au contraire, les fascine, c’est pourquoi ils recourent si volontiers aux décapitations en direct.

La deuxième raison est que notre présence militaire dans le Sahel nous coûte cher : un milliard d’euros par an. Et dans une époque où le virus chinois met notre économie à genoux, où le « quoi qu’il en coûte », quoi qu’on en dise n’est pas sans limite, nous devons restreindre notre effort financier. Alors à Ndjamena on va faire les comptes en tablant sur l’efficacité de la nouvelle force Takuba, mise en place en 2020, composée de nos partenaires européens, principalement Estoniens, Tchèques et Suédois, et aussi des forces locales sahéliennes.

Il était urgent que l’Europe se mobilise pour défendre ses intérêts car nous étions, jusque-là, le seul bouclier contre les terroristes. Et ce rempart, il faut absolument le préserver là-bas si nous voulons éviter que le terrorisme guerrier de Daesh et d’Al-Qaïda au Maghreb,  ne se transporte ici, chez nous, en France et en Europe. En bloquant les actions des jihadistes au Mali, au Niger et ailleurs nous les empêchons de remonter en Afrique du Nord, traverser la Méditerranée et porter le glaive en France. En assurant la protection des populations du Sahel, nous nous protégeons nous-mêmes. Nous nous protégeons ainsi collectivement. C’est pourquoi la réduction de nos effectifs sur place sera seulement abordée au cours des semaines et mois à venir.

D’ici là, hélas nous comptabiliserons encore de nouvelles victimes françaises, qui endeuilleront des familles et notre nation. Il est donc très important de ne pas accepter dans nos rangs, ici-même dans le pays, pas plus à Trappes qu’ailleurs, une cinquième colonne islamiste, partisane de la charia. Alors seulement le sacrifice de nos soldats n’aura pas été vain, dans le cas contraire il aurait été inutile.

Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono et rédacteur en chef pour la France de Diasporavision

 

Une vie sans bistrot vaut-elle d’être vécue ?

Avec cette pandémie venue de l’Empire du milieu nous avons du accepter la fermeture des restaurants et aussi des cafés, ces lieux de culture à la française, de convivialité gastronomique et œnologique, ce parlement du peuple pour paraphraser Balzac.

Ne dit-on pas que c’est là que trouvent naissance les brèves de comptoir, les rumeurs,  mais aussi les ruptures et les retrouvailles, ou l’on fête des heureux événements mais aussi les jours sombres autour d’un vin d’honneur à la sortie du cimetière.  C’est aux bistrots qu’on refait le monde sur le zinc, où pauvres et riches, jeunes et vieux se mélangent. Le café, qu’il soit « de la gare »,  « du bon coin », «  du marché » ou « du port » représente un microcosme social incomparable dans notre société.

Déjà, avant la Covid 19, nos troquets déclinaient  à la vitesse grand V et les avis d’obsèques étaient nombreux, passant de 45 000 à 38 000 entre 2011 et 2016. Avec les faillites annoncées combien en restera-t-il à la fin de la pandémie ? Un bistrot qui ferme c’est le moral des français un peu plus en berne. Adieu la belle ambiance de Vincent, François, Paul … et les autres de Claude  Sautet avec Michel Piccoli et Serge Reggiani. C’était en 1974, une autre époque.

Plus d’apéro, de petit café, plus de plaisanteries graveleuses autour de la serveuse du patron, de clopes grillées en terrasse, nos assistons impuissants à un effondrement anthropologique, en plus d’une casse économique et sociale. Aujourd’hui les clients sont tristes et les quartiers en deuil de leurs bars.

A cette heure des fermetures administratives pour une guerre que l’on dit sanitaire  il ne nous reste plus que l’humour pour les évoquer,  comme cette phrase partagée sur les réseaux sociaux : «Rendez aux athées leur lieu de cuite ».  Le plus tragique de l’histoire est qu’entre 1940 et 1944, en dépit des bombardements et de l’occupant nazi nos cafés étaient restés et ouverts et aujourd’hui c’est un misérable virus chinois qui les a cloués au pilori, or le bistrot n’est pas un lieu de consommation comme un autre, il est un lieu d’échanges humains, de socialisation, cela va bien au-delà d’une vie sans mousse, café-croissant, chocolat chaud ou d’un petit verre de blanc.

Oui chers bistrots vous nous manquez, et lorsque la crise sanitaire sera terminée je me demande dans quels état nous serons les uns et les autres. A la réflexion  une vie sans vous ne mérite pas d’être vécue, alors rouvrez vite et en attendant ce moment béni je trinque à notre santé commune qui nous est chère !

 

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