J’ai connu Ibrahima Thiam il y a plusieurs années par l’intermédiaire d’un ami commun et immédiatement le courant a passé entre nous. Nous avons découvert que nous partagions les mêmes valeurs humanistes et de fraternité, le même attachement pour l’Afrique, et depuis notre amitié n’a cessé de grandir et de s’enrichir. Secrétaire général de l’INSERM, l’un des plus grands centres européens en matière de recherches scientifiques, installé à Paris, ce quinquagénaire franco-sénégalais est profondément attaché à son pays et depuis longtemps il milite en faveur d’un renouveau de la classe politique, trop souvent corrompue, au Sénégal, comme hélas souvent sur le continent. Homme de convictions il a créé voici quelques années un mouvement politique baptisé « Un Autre Avenir » qu’il a progressivement implanté dans le pays et a souhaité que je l’accompagne dans son aventure. Comment résister à l’appel du large ? J’aime l’Afrique, ses habitants et sa culture depuis des décennies, d’une affection authentique, sincère, désintéressée et cette rencontre avec Ibrahima réveillait en moi des souvenirs puissants.
J’ai en effet parcouru ce continent de long en large, non pas comme touriste, client du Club Med, mais souvent dans des zones de conflits, comme en Somalie, dans la bande d’Haouza (qui sépare l’Algérie du Maroc) où sévissent les combattants du Polisario, où en Côte-d’Ivoire, mais aussi en effectuant des reportages en Afrique du Sud : dans les Township de Soweto, de Durban ou du Cap, dans le parc national Kruger où les animaux sauvages disposent d’un territoire grand comme Israël, en rencontrant des néo-nazis nostalgiques de l’apartheid et en interviewant le chef Zoulou dans la province du Natal. J’ai aussi couvert le sommet de l’UDEAC à Ndjamena au Tchad du temps d’Hissène Habré, des rencontres internationales pour la lutte contre le sida au Cameroun à Yaoundé et j’ai interviewé l’ancien président du Mali Alpha Oumar Konaré dans son palais de Bamako. Quant au Sénégal, comme je l’avais fait précédemment au Tchad, j’ai collaboré avec l’ONG, Enda tiers–monde, en collectant en France de quoi acquérir des dizaines de milliers de préservatifs pour enrayer la propagation du VIH dans cette région voisine du Sahel. Au Tchad il s’agissait de deux tonnes de fournitures scolaires pour les écoliers, et de fournitures médicales pour les dispensaires, sans parler de pompes à eau indispensables pour les puits disséminés dans cette zone aride. Dans ces moments-là j’ai oublié mon micro de reporter pour coiffer la casquette d’un humanitaire venant en aide à des pays frères dans le besoin. Frères en effet, en dépit d’une colonisation qui a laissé de profondes cicatrices comme celles, toujours visibles, de l’île de Gorée où j’ai visité atterré La Maison des Esclaves lieu de départ d’une traite négrière vers les Amériques et les Antilles. Une époque tragique de notre Histoire de France, où les hommes avaient perdu leur humanité.
C’est dire si je ne pouvais refuser la sollicitation d’Ibrahima à qui me reliait autant la chair de ses compatriotes que la terre ocre du sol africain. Sans oublier une profonde admiration pour le père fondateur de l’indépendance sénégalaise, Léopold Sédar Senghor, qui avant d’être un homme d’Etat fut un immense poète et écrivain, premier africain siégeant à l’Académie française. Comment, Ibrahima et moi n’aurions-nous pas partagé son espoir de créer une civilisation de l’universel, ou son concept de négritude, introduit par Amé Césaire : « La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture ».
J’ai donc mêlé mes pas dans ceux de mon nouvel ami lors de sa campagne comme candidat à la dernière élection présidentielle sénégalaise, l’aidant au mieux de mes possibilités dans le domaine que je connais le mieux, celui de la communication. Certes il n’a pas transformé son coup d’essai mais ce n’est que partie remise et nul doute que la prochaine fois il faudra compter avec lui, Macky Sall, ou pas. Pour s’en convaincre il suffit de lire les deux livres de réflexion qu’il s’est donné la peine d’écrire et qui constituent une véritable plate-forme d’action en vue de conquérir un jour le pouvoir à Dakar. Pour leur rédaction il a puisé au plus profond de lui-même, n’hésitant pas à se montrer transparent, y compris dans sa vie personnelle et familiale, et révélant ses espoirs pour un Sénégal plus moderne, plus juste à l’égard de sa population, plus généreux pour les plus faibles. C’est en agissant honnêtement, loyalement et avec détermination qu’un homme politique devient un homme d’Etat. Telle sera sans doute un jour la destinée d’Ibrahima. J’espère être là, à ses côtés, pour savourer ce moment.