Catégorie : La plume au vent Page 37 of 41

Ces blouses blanches qui nous veulent du bien !

Comme tous les français, j’ai, durant le Covid, applaudi tous les soirs à ma fenêtre les soignants qui se démenaient avec une abnégation admirable pour faire face l’épidémie de Covid 19. Ils ont sauvé des dizaines, voire des centaines de milliers de vies.

Puis le temps a passé et on a oublié leur courage, leur disponibilité, leurs conditions de vie, leur surcharge de travail, leur emploi du temps démentiel, le manque de personnel et de moyens matériels, le quotidien nous a rattrapé. Aujourd’hui je voudrais leur rendre hommage suite à une expérience personnelle vécue il y a quelques jours lors d’une hospitalisation en ambulatoire à l’hôpital du Mans.

Dès mon arrivée aux urgences ophtalmo j’ai été pris en charge avec la plus grande humanité et beaucoup de professionnalisme par le personnel administratif et soignant du bâtiment Claude Monet. Personne n’aime subir une intervention chirurgicale, qu’elle qu’elle soit, même la plus anodine. C’est la peur de l’inconnu, celle qui naît de l’ignorance de ce qui nous attend et pour laquelle on ne maitrise rien, qui que nous soyons. Nous devons nous en remettre entre des mains anonymes, fussent-elles expertes et l’humilité est de circonstances.

En rentrant, à la verticale, dans le bloc-opératoire  j’ai eu l’impression de pénétrer dans le cockpit d’un Airbus A310, avec tout son environnement électronique et cet univers immaculé. J’en ressortirai 45 mn plus tard à … l’horizontale, sur une civière à roulettes.  Autour de moi il y avait là, déjà à l’œuvre, plusieurs stewards et chefs de cabine (infirmière anesthésiste, infirmière chirurgie, assistant du chirurgien, aide-soignante) qui n’attendaient plus que le commandant de bord (chirurgien) et procédaient  à l’inévitable check-list précédant le décollage : oxygène «  ouvert ! » instruments nécessaires à l’intervention, « prêts ! » etc.

Allongé et sanglé sur la table d’opération comme une poupée de chiffons, une légère musique d’ambiance, du genre de celle diffusée dans les aéronefs  pour rassurer les passagers angoissés, je n’étais plus maître de quoi que ce soit, en particulier de mes mouvements, je ne tenais plus le volant et je devais m’en remettre à un autre conducteur que moi.  Le tensiomètre fixé à mon bras renseignait l’anesthésiste immédiatement et plus sûrement de mon état de stress que n’importe quelle anxiété dans le regard : 18-6; 17-5; 15-7 … Là, où l’avion de ligne grimpe en altitude moi je descendais en pression et c’était plutôt mieux ainsi. En salle de réveil je descendrai à 13 et même à 10-7 , coup de pompe du au fait que j’étais à jeun depuis la veille. Vivement une barre chocolatée. En attendant ce moment salvateur et dans un élan de générosité l’anesthésiste m’administra une légère  drogue de confort dans la perfusion et je me sentis flotter dans l’air, l’esprit déjà dans les nuages alors que l’appareil n’avait pas encore quitté le tarmac. Pour info, aucune mignonnette de vodka ou de whisky n’est servie à bord, s’alcooliser et fumer étant dangereux pour la santé. Tout au plus un peu d’opium dans les veines en guise d’euphorisant, voire de curare pour les plus récalcitrants.

Autour de moi l’équipage en blouses bleues, aux couleurs d’Air-France, vaquait sereinement à ses occupations (fermeture des coffres  à bagages, distribution des casques audio et des couvertures, fermeture des portes de cabine etc.), je les entendais parler, blaguer comme le font les personnels de bord, tels des vieux routiers qui comptent des centaines d’heures de vol. Cela me rassurait : s’ils n’étaient pas inquiets, je n’avais pas à l’être. Mon œil, oui !  Justement c’est pour lui que j’étais là, et j’y tenais comme à la prunelle de mes yeux. Pour un journaliste-écrivain  il est en effet indispensable de bien voir  pour noircir la page blanche. Mon œil, à défaut de ma vie, était donc entre leurs mains., certes inconnues, mais, j’en étais sûr, bienveillantes.

A un moment, on annonça l’arrivée dans le bloc du commandant de bord, qui salua son second, et le reste de l’équipage. Pendant les préparatifs il indiqua que la nuit avait été difficile en raison du petit de trois mois qui faisait ses premières dents. Cela devait-Il m’inquiéter ? Non, car il me parla gentiment comme un adulte bienveillant, me rassura, «  tout va bien se passer ! ». S’il le disait, je n’avais aucune raison de douter, il était le sachant et moi l’ignorant.

Tout au long de l’intervention, durant une  quarantaine de minutes je l’entendis transmettre ses observations, donner des conseils, faire ses recommandations à son  assistant, un interne sans doute,  mais je ne pouvais les voir, car ma vue, si l’on peut dire, était obscurcie par le champ opératoire qui me recouvrait le visage, tel un linceul. Régulièrement le patron de la salle d’ops me donnait des infos sur le plan de vol : nous survolons actuellement … sur votre droite.., je n’entendis pas, et tant mieux, l’injonction redoutée «  veuillez attacher votre ceinture, nous allons traverser une période de turbulences.. » puis, il m’informa toujours aussi compatissant « C’est bientôt fini, c’est  la dernière étape », en clair nous allions atterrir à l’heure prévue, sans « casser du bois ». Je crus l’entendre dire « à l’extérieur il fait une température de x degrés, bienvenue à … » Fin d’un voyage qui m’avait permis de découvrir des images psychédéliques, des points bleus et une lumière blanche aveuglante.  Durant le vol, au lieu du rugissement des réacteurs j’avais entendu le sifflement du laser qui s’activait au-dessus de ma tête et le glissement furtif du microscope. Puis le commandant me soulagea de mon angoisse  « Tout s’est bien passé ! », on me délivra alors du champ opératoire, je retrouvais l’air libre  et je pus voir le visage de mes anges gardiens souriants. Je me suis retenu d’applaudir l’équipage  pour cet atterrissage réussi.

Plus sérieusement j’adresse un grand, grand merci à l’équipage ophtalmo de Claude Monet, personnel navigant, comme personnel au sol,  pour ce vol inaugural court-courrier qui m’aura permis d’expérimenter une belle aventure humaine en compagnie de soignants, femmes et hommes de grande qualité, professionnels jusqu’au bout des ongles et résiliants envers leur patient.

Ces femmes et ces hommes en blanc ont droit à toute mon admiration  ainsi que la vôtre  car,  ne l’oublions jamais, nous leur devons un peu de nous-mêmes, quel que soit le motif d’hospitalisation, du plus modeste au plus grave, et c’est une énorme dette de reconnaissance que nous avons envers eux.

Je ne leur dis pas « à bientôt sur vos lignes », mais si cela devait se produire je serais sans doute un peu moins stressé car je connais un peux mieux désormais les coulisses de l’exploit.

Jean-Yves Duval, journaliste-ecrivain, auteur d’une dizaine de romans, rédacteur en chef de l’édition en langue française de Diasporavision, radio de la diaspora sénégalaise dans le monde, directeur du site d’actualité internationale Ichrono.

site personnel : www.jeanyvesduval.com

 

 

Vous ne tuerez pas mes rêves !

Il est d’usage chaque mois de janvier de se souhaiter une  bonne santé et beaucoup debonheur même si, malheureusement, ces vœux ne sont loin d’être exaucés au cours des 365 jours qui suivent.

Pour ma part je souhaite que la paix règne dans le monde en 2023, un état pratiquement inconnu depuis que le monde est monde. Au fil des siècles l’idéologie, la religion, le désir de conquérir des territoires, de bâtir des empires, d’accroître sa puissance et ses richesses ont armé le bras des hommes. Plus récemment, avec des armes toujours plus modernes et puissantes la force de destruction n’est démultipliée pour en arriver à l’holocauste de la deuxième guerre mondiale et depuis à des génocides comme au Rwanda, au Cambodge où en Bosnie et demain peut-être en Ukraine.

L’homme est un loup pour l’homme, et l’humanité en paie le prix fort de façon continue. Elle a été trop souvent dirigée par des individus assoiffés de pouvoir, quand ce n’était pas de sang, et de conquêtes, parfois déficients mentaux, souvent mégalomanes ou psychopathes, à l’image des Néron, Napoleon, Hitler, Staline, Mao Tse Tung, Pol-Pot , voire Vladimir Poutine ou le dirigeant de la Corée du Nord demain, tous convoqués au tribunal de l’histoire, à défaut d’avoir été traduit devant des cours pénales internationales. Désormais avec l’arme atomique un chef d’Etat peut faire sauter plusieurs fois la planète, là où ses prédécesseurs ne tuaient « que » quelques centaines, quelques milliers d’individus à coups de bombardes et d’arbalètes. En 2023 les dictateurs essaiment sur tous les continents et se reproduisent dangereusement, à la vitesse de la lumière. Qui sera le docteur Folamour du 21e siècle ? Le siècle actuel connaîtra-t-il la énième extinction de l’espèce humaine, non par suite d’une période glacière ou la chute d’un météorite, mais parce qu’un serial-killer  politique appuiera sur le bouton rouge ? Le monde est au bord du précipice, il a déjà un pied dedans. Une simple pichenette suffirait à le précipiter dans la vitrification nucléaire et les ténèbres. Ou sont les grands philosophes, les penseurs d’hier, les grandes voix comme Gandhi, sœur Theresa  ou Mandela porteuses de messages de paix  ? Ces hommes et ces femmes nous manquent cruellement.

Qui l’emportera de la folie ou de la sagesse ? Et si demain nos sociétés décidaient d’attribuer à la lutte contre la misère et la faim, l’éducation, la santé, l’environnement, etc. les ressources qu’elle utilise aujourd’hui pour  l’armement ? Si demain les discours de tolérance l’emportaient sur les appels à la haine ? Si l’homme cessait d’être un prédateur sexuel et bannissait de son comportement les violences familiales ? Si au lieu de nous promettre le bonheur dans l’au-delà on contribuait plutôt  à à améliorer le sort des peuples ici-bas ? Si l’homme cessait de courir après la satisfaction de besoins matériels inutiles, de plaisirs futiles, de poursuivre des chimères au profit d’une plus grande solidarité, d’un esprit plus fraternel, plus pacifique, moins agressif, notre bonne vieille planète Terre, agressée, maltraitée  de toute part, ne tournerait-elle pas mieux sur son axe ?

L’homme est le seul animal qui cause son propre malheur, le seul prédateur qui s’auto-détruit  après  avoir exterminé  les autres espèces, ainsi que la nature. Doit-on en conclure que la vie serait plus belle sans lui, à nous tous de faire la démonstration que rien n’est jamais irrémédiable et qu’on peut changer le cours de notre destin, d’abord individuel et collectif ensuite.

L’avenir est entre nos mains, il sera ce que nous voulons qu’il soit, à condition de ne pas se résigner, de prendre son courage à deux mains, de refuser la fatalité. Alors, mais alors seulement nous ferons mentir les prophètes de malheur et accèderont peut-être à un état supérieur d’intelligence, cet état après lequel l’humanité court désespérément depuis plus de deux mille ans, sans jamais l’atteindre. Il nous appartient par notre volonté et notre courage d’inverser le cours de l’histoire.

Non, vous ne tuerez pas mes rêves !

JYD

Interview de Jean-Yves Duval chez Radio Alpes Mancelles

Macky Sall, où la tentation d’un népotisme, plus ou moins éclairé

Ce qui se passe au Sénégal, depuis quelques jours, à l’image des émeutes qui ont suivi l’arrestation d’Ousmane Sonko, est très grave pour ce pays et son rayonnement dans le monde. Il ne faut pas se voiler la face, les émeutes qui ont embrasé la capitale et d’autres villes, les pillages, les morts, ne sont pas liés uniquement aux poursuites judiciaires contre le dirigeant du PASTEF, cela va bien au-delà.

En fait les poursuites intentées contre celui qui était arrivé en troisième position lors des dernières présidentielles de 2019 ne sont que l’arbre qui cache la forêt d’une manifestation de colère qui a des origines beaucoup plus profondes :

  • Il y a tout d’abord l’exaspération d’une jeunesse qui ne supporte plus le marasme économique dans lequel le pays est plongé, en particulier depuis l’apparition du Covid 19 et qui a tari ses ressources en matière touristique, principale richesse du Sénégal. Ces jeunes, sans emploi et sans avenir, qui sont chaque jour plus nombreux à emprunter le chemin de l’exil, qui mettent leur vie en péril lors du franchissement des territoires hostiles et embarquent sur des pirogues de fortune pour traverser la Méditerranée afin de gagner l’Europe vue comme une Terre promise, un Eldorado, la source de toutes les promesses et convoitises. Et en premier lieu la France, cette même France, paradoxalement qu’ils conspuent à Dakar, en brûlant et pillant les magasins de l’enseigne Auchan. « Vérité en deçà des Pyrénées n’est pas vérité au-delà » et l’ancienne puissance colonisatrice, si elle est honnie dans la capitale, reste à quelques milliers de kilomètres de là, une destination de choix dans l’espoir d’un travail, d’un logement, d’une éducation et d’une protection sociale. Ce n’est pas la moindre des contradictions de cette Afrique qui soixante ans après la décolonisation se cherche encore. La France, pourtant, a su se montrer généreuse, car durant tout ce temps elle n’a cessé d’augmenter son aide au développement à l’Afrique de l’Ouest. On est en droit légitimement de s’interroger :  Qu’a-t-il été fait de cette aide  économique, de cette manne financière de la France et de l’Europe ? Beaucoup de pays asiatiques, pourtant eux-aussi colonisés, ont pris leur envol depuis longtemps, en tirant parti de la mondialisation et de la globalisation des marchés, et prospèrent aujourd’hui. Voici soixante ans la Corée du sud était un pays pauvre, aujourd’hui elle est plus riche que … la France !  Il faut sans doute chercher la réponse dans une gestion parfois calamiteuse des affaires publiques et aussi dans l’enrichissement personnel de quelques potentats et de leurs familles qui possèdent un patrimoine immobilier luxueux à travers le monde, à Paris, à Londres, à New-York, sur la Riviera française, et ailleurs, sans parler d’un train de vie fastueux. Sur ce point la France n’est pas responsable, sauf peut-être ses notaires, banquiers et agents immobiliers qui ont procédé aux transactions. L’argent n’a pas profité au peuple,  mais à un petit nombre d’individus sans foi, ni loi, qui ont puisé sans vergogne dans les caisses du Trésor public et en opérant de judicieux transferts sur leurs comptes personnels.
  • En descendant dans la rue dakaroise aujourd’hui la jeunesse, et à juste titre, fait le procès cette corruption des élites sénégalaises, dénoncées justement par Ousmane Sonko qui fût inspecteur des impôts avant de se lancer en politique. L’actuel président de la République en effet, ne fait pas exception à la règle, pas plus, qu’avant lui, Abdoulaye Wade. Lorsque les jeunes du PASTEF se retournent contre la France ils entendent  avant tout dénoncer son soutien à un chef d’Etat dans lequel ils avaient mis leurs espoirs et qui, comme ses prédécesseurs, à mis la main dans le pot à confiture. Ousmane Sonko, paré de son plus beau costume vertueux, a, dans ces conditions, beau jeu de jouer sur la colère du peuple, et de l’exploiter.
  • Les sénégalais, opposants à Macky Sall, redoutent aussi que celui qui exécute actuellement son deuxième mandat, ne soit tenté par un troisième alors que la constitution lui interdit. Et ils craignent, qu’en prévision d’une nouvelle candidature, il ne cherche à éliminer ses opposants politiques, dont Ousame Sonko, en instrumentalisant la justice. Ils rappellent que ce genre de procédé lui a déjà réussi par le passé en mettant hors jeu Karim Wade, le fils de l’ancien président et ancien ministre, et l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall que dans sa grande bonté Macky Sall a libéré et gracié … au lendemain de sa victoire. Là encore, cette manipulation constitutionnelle est le péché mignon de quelques despotes, plus ou moins éclairés, qui entendent confisquer le pouvoir a leur profit, leur famille, leur clan, leur tribu, jusqu’à leur belle mort. De Bokassa, allant jusqu’à se couronner, lui-même, empereur, à Omar Bongo, les exemples pullulent, hélas.  Et cela, les peuples ne l’accepte pas.

Macky Sall aurait tort de ne pas prendre au sérieux ce qui se passe dans le pays, ce chaos, cette révolte populaire. Et ce n’est pas en recourant à une répression sanglante, aveugle, qu’il règlera la situation. Ce lundi, le juge décidera du sort d’Ousmane Sonko, sa liberté conditionnelle ou sa mise en détention. il est à craindre que dans ce dernier cas la situation ne se dégrade encore davantage, la rue ne s’enflamme, au risque de faire vaciller le pouvoir et avec lui un pays réputé jusque-là comme l’un des plus stables d’Afrique. Ce n’est pas non plus en mettant de l’huile sur le feu, comme l’a fait son ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Diome, que le régime va rétablir le calme parmi des esprits surchauffés. Ce n’est pas davantage en laissant glisser son régime vers un pouvoir autoritaire que Macky Sall peut espérer retourner la situation à son avantage. Pour autant je ne suis pas certain que sa démission, réclamée par certains, arrangerait la situation. Elle risquerait, au contraire, d’ouvrir la porte à toutes les aventures dont le peuple, le premier, en souffrirait. Il faut que le chef de l’Etat se ressaisisse, cesse d’interférer dans les questions qui relèvent de la justice, et clarifie sa situation en assurant qu’il ne sera pas candidat à sa propre réélection. Alors peut-être les esprits s’apaiseront ils. Mais ce ne sera là qu’une cautère sur une jambe de bois et ce serait reculer pour mieux sauter si des profondes réformes d’assainissement en matière de gestion des fonds publics, et d’enrichissement personnel, n’étaient pas mises en œuvre rapidement.

Dans tous les cas de figure, Macky Sall serait bien inspiré de prendre cet avertissement très au sérieux, car les plats ne repassent pas toujours deux fois.

Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono

 

La « république des juges » s’apprête-t-elle à nous refaire le coup de 2017 ?

Qu’on aime, ou qu’on n’aime pas Nicolas Sarkozy, on est en droit de s’interroger sur la légalité et la légitimité de la condamnation qui vient récemment de le frapper à de la prison ferme. L’ancien président de la République à contre lui, certes, d’être impliqué dans une douzaine d’affaires, dont pour certaines il a déjà bénéficié d’une relaxe, mais le fait d’être un ancien chef de l’Etat ne doit pas apparaître comme une circonstance aggravante.

Or, c’est ce que l’on pourrait en déduire en écoutant l’énoncé des attendus du jugement qui le frappe. Certes du temps où il était à l’Elysée il était garant du bon fonctionnement de la justice, mais aux dernières nouvelles il a, depuis qu’il a quitté le Palais, eu deux successeurs, que l’eau de la Seine a coulé sous les ponts, et qu’il est redevenu un citoyen normal à part entière, ayant les mêmes droits et devoirs que chacun de nous. Et doit donc être jugé comme tel, ni plus sévèrement, ni moins lourdement qu’un autre individu. Je ne reviens pas, ni sur la création, voulue par F. Hollande au lendemain du scandale Cahuzac, du Parquet National Financier, dont il y aurait beaucoup à dire sur l’enquête préliminaire qu’il a conduite. Je ne reviens pas davantage sur les écoutes téléphoniques d’avocats, qui, même si elles ont été validées par la cour de Cassation, n’en constituent pas moins une grande première dans notre république. Ce n’est en effet pas très glorieux dans un Etat de droit de recourir à ce genre de pratiques.

Il y aurait en revanche beaucoup à dire sur la légalité même du jugement qui vient d’être rendu, du fait de l’absence de preuves présentées par l’accusation,  je laisserai ce soin à la cour d’Appel qui devra trancher d’ici quelques mois. Précisément ces quelques mois  pendant lesquels, Nicolas Sarkozy sera toujours présumé innocent (dans l’attente d’un jugement définitif) mais néanmoins dont on se souviendra qu’il a été condamné en première instance.

Cela m’amène à évoquer la légitimité d’un tel jugement, qui rendu à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle, place, en raison de son extrême sévérité, quasiment ipso facto l’ancien président hors-jeu, dans l’hypothèse où il aurait eu, non pas la tentation de Venise, mais celle de retrouver les ors de l’Elysée. Aurait-on voulu l’en empêcher, qu’on ne ferait pas mieux. Mais je ne suis pas un théoricien du complot, et je ne veux pas confondre « procès politique » et procès « d’un homme politique ».

Néanmoins on est en droit de se poser la question :  La « république des juges » ne serait-elle pas en train de nous refaire le coup de 2017, lorsqu’elle a privé la droite de son candidat, François Fillon, dont la victoire était quasiment assurée. Et cela, grâce à la célérité d’une procédure jamais vue jusque-là dans les annales judiciaires de notre pays. Il n’est pas question ici d’évoquer la culpabilité de F. Fillon, mais j’observe qu’en d’autres temps les juges ne se seraient saisis du dossier qu’après les élections, dans l’attente du verdict populaire, en vertu du vieux principe, jusque-là en vigueur, Vox populi, vox Dei, voix du peuple, voix de Dieu.

Certes, tous les magistrats ne sont pas, loin de là, membres du syndicat de la magistrature, dont l’orientation à gauche est bien connue, mais on se souvient quand même du fameux « mur des cons », installé dans sa permanence, qui fustigeait principalement des élus de droite. Et n’est-ce pas Balzac qui reconnaissait que « le juge était l’homme le plus puissant de France » ? En 2021, il serait peut-être temps de songer à moderniser l’institution judiciaire, à ravaler sa façade, par exemple en accordant l’indépendance aux procureurs de la République, ce qui supprimerait la fonction de juge d’instruction, et en permettant un réel contrôle de l’activité des magistrats. Ce n’est pas sans raison qu’en 1883 une loi avait suspendu pour six mois le  fameux principe d’inamovibilité des juges. Ce qui a déjà été fait, pourrait très bien l’être à nouveau.

En éliminant ainsi des candidats de la droite parlementaire * suite à des de jugements rendus « au nom du peuple français », certains juges ne prennent-ils pas le risque de favoriser un jour l’accession  au pouvoir d’une candidature d’extrême-droite, ou populiste ? Le risque est réel. On se rappellera peut-être alors les propos de  François Mitterrand, qui n’aimait pas plus les magistrats que N. Sarkozy (qui les qualifiaient de petits pois) : « Les juges ont tué la monarchie, ils tueront la République ».

Espérons qu’il ne s’agit là que d’une sombre prophétie. Réponse dans un an.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono

 

*A moins que d’ici l’année prochaine la justice ne rendent aussi inéligibles Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui ont, eux aussi, un agenda judiciaire au cours des prochains mois.

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