« Impérialiste révisionniste !   » (Macron à propos de Poutine), « petit Napoléon !  » (Poutine à propos de Macron), entre le président français et l’autocrate russe les compliments pleuvent ces jours-ci, sur le mode je t’aime moi non plus.  Et qu’on se rassure dans ce petit jeu de massacre Donald Trump ne demeure pas en reste. Tant qu’il ne s’agit que de mots, rien d’inquiétant, le risque serait qu’un jour les mots dépassent leurs pensées et qu’ils en viennent aux mains sur l’air de « je te tiens par la bombinette » …
Deux motifs peuvent nous conduire vers le feu nucléaire qui signifierait la destruction en tout ou partie de la planète. Je rappelle pour mémoire que l’arsenal mondial compte près de vingt mille ogives atomiques  et que selon les scientifiques un millier d’entre elles suffirait à anéantir la presque totalité de l’Humanité et rendre la planète inhabitable pendant des siècles. Le premier motif est la tentation, lorsqu’on possède des armes de s’en servir, un jour ou l’autre. Et le second motif est l’Ego qui incite ceux qui nous gouvernent à se demander lequel d’entre eux ferait pipi le plus loin en exhibant fièrement leurs bistouquettes de sexagénaire, de quadragénaire et de septuagénaire.
C’est moi ! dit le président français qui s’est lui-même comparé à Jupiter, ce à quoi l’autre lui répond, en exhibant son torse viril de judoka ceinture noire, non, c’est moi ! Quant au président américain il roule les mécaniques et compte les points, en espérant comme tout bon croupier ramasser la mise sur le tapis vert.
Ce serait en effet tellement plus simple de régler nos différents sur un tatami en s’agrippant par le kimono, au moins seuls les intéressés risqueraient de se déboîter un genou ou une épaule. Alors que là,  en  propulsant des missiles nucléaires au-dessus de nos têtes depuis les sous -marins et les avions Rafale, ou Sukoî, nos territoires et leurs populations s’exposent purement et simplement à être vitrifiés. Nous retournerions alors à l’ère glacière, sombre perspective.
Depuis qu’Oppenheimer a découvert la fission nucléaire avec le projet Manhattan dans  son laboratoire de Los Alamos au Nouveau-Mexique et que l’Amérique a expérimenté  son invention en août 1945 sur deux villes japonaises, Hiroshima et Nagasaki, le monde vit depuis plus de 80 ans sous un faux semblant de paix, ou plutôt d’équilibre de la terreur, au nom la dissuasion nucléaire, chacun sachant que le premier qui appuie sur la gâchette se condamne lui-même.
Cela me fait irrésistiblement penser à la fable de la grenouille et du scorpion qui doivent traverser un cours d’eau. Le scorpion qui ne sait pas nager demande à la grenouille de l’emmener sur son dos jusqu’à l’autre rive, mais celle-ci s’inquiète, « qui me dit que tu ne vas pas me piquer avec ton aiguillon venimeux durant la traversée », le scorpion la rassure « si je fais cela, je me noierai avec toi, ne sois pas bête ». La grenouille accepte alors, mais au milieu de la rivière le scorpion la pique et la grenouille dans un râle d’agonie lui demande « pourquoi as-tu fait cela, on va mourir tous les deux » .. et le scorpion de lui dire « je n’y peux rien, c’est dans ma nature ». Cette fable illustre le fait que certains comportements sont irrépressibles, indépendamment de leurs conséquences. Qui peut douter un seul instant qu’Adolf Hitler aurait utilisé l’arme nucléaire avant la chute de Berlin, s’il l’avait possédée ?
La situation actuelle n’est pas non plus sans parallèle avec ce qu’on a appelé, dans les années 1960 la crise des missiles de Cuba, où le monde est passé à deux doigts d’une catastrophe, Kroutchev et Kennedy étant sur le point d’activer leur propre code nucléaire.
Cet acte manqué devrait nous inciter à la plus extrême prudence, or c’est tout le contraire que nous voyons. De Poutine à Trump en passant par Macron, tout le monde y va ces temps-ci, de son petit couplet sur les risques d’une troisième guerre mondiale, au point qu’à force de l’évoquer la chose deviendrait presque naturelle, banale. Cela n’est pas sans nous rappeler la morale du conte d’Andersen « La petite fille aux allumettes » : Jouer avec le feu est dangereux. C’est désormais à celui d’entre eux qui endossera le rôle du docteur Folamour,  du nom du film de Stanley Kubrick. Sorti en 1964, en pleine période de la guerre froide, il raconte le déclanchement d’une frappe nucléaire massive sur l’Union soviétique par un général de l’armée de l’air américaine paranoïaque et le risque d’un holocauste nucléaire. A l’origine le film était un thriller de Peter Bryant intitulé : « 120 minutes pour sauver le monde« , la différence est qu’aujourd’hui avec les missiles balistiques ce n’est pas deux heures qu’il faudrait à un Sartmat russe pour raser Paris, Berlin ou Londres, mais trois minutes seulement !
Reste à savoir, qui de nos dirigeants est la grenouille et lequel est le scorpion.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain