Alors que la Terre, dont on épuise quotidiennement les réserves naturelles, se meurt, les sociétés, vieillissantes, meurent elles aussi, comme nous mourrons nous-mêmes. C’est le cycle de la vie où la mort finit toujours par l’emporter. Dès notre naissance, nous signons sans le savoir, notre acte de décès. Certains scientifiques de Google, en partenariat avec Apple, dans le secret de leurs laboratoires californiens sont pourtant sur le point d’aboutir à l’immortalité, réalisant le vœu le plus cher de l’homme, alors que l’humanité est au bord de la énième extinction de masse, ce qui n’est pas le moindre paradoxe de l’histoire.
Il y a fort à parier que prochainement le corps humain sera ainsi devenu une sorte de logiciel que des robots intelligents, dotés d’une intelligence artificielle, pourront débugger en intervenant en temps réel sur les prémices de cancers et de dégénérescences cellulaires, retardant du même coup l’heure fatidique de la mort. Grâce aux nanotechnologies on nous prédit l’immortalité vers 2050 … à condition bien sûr de vivre jusque là ! On vient déjà d’inventer un pacemaker plus petit qu’un grain de riz. Des nanorobots, 500 fois plus petits que l’épaisseur d’un cheveu, patrouilleront dans nos organes comme les policiers le font dans nos rues. Et à la moindre alerte, ils répareront le muscle, l’artère, les tissus défaillants. Croyez le, ou non, ce n’est pas de la science fiction, mais de la téléréalité. Les montres connectées qui surveillent déjà notre corps humain seront alors des outils préhistoriques face à une médecine personnalisée qui dispensera des macro-doses de médicaments dans notre organisme, tandis que des robots nanoscopiques voyageront dans le sang à la recherche de la moindre défaillance. On peut prédire des faillites en grand nombre pour les laboratoires d’analyses médicales. Et je ne vous parle pas d’un cœur qui vient d’être développé à partir de cellules souches qui constituent une avancée majeure vers la médecine régénérative.
Dans ce nouveau monde (meilleur ?) nous ne décèderons plus que par accident, suicide ou en déconnectant nous-mêmes ces fameuses nano-technologies dont notre corps sera truffé, comme on désinstalle aujourd’hui une application sur notre Smartphone. Bienvenue dans l’univers du numérique et de l’intelligence artificielle du 21ème siècle !
En attendant ce moment, au Japon, pays le plus « âgé du monde », 29% des 124 millions d’habitants de l’archipel ont plus de 65 ans, avec une natalité très basse, on a déjà inventé un robot-phoque dont le contact apaise les maladies d’Alzheimer, des vieux messieurs marchent grâce à des déambulateurs higt-tech équipés d’une tablette tactile, la thérapie est programmée par des algorithmes, et des exosquelettes aident à porter des charges lourdes, y compris pour les personnes âgées de 80 ans et plus, notamment dans l’industrie ou l’agriculture. Des robots sociaux existent pour combattre un sentiment croissant de solitude et les premières observations montrent que les vieillards qui les utilisent secrètent de l’ocytocine, appelée aussi hormone de l’attachement, comme lorsqu’ils s’occupent de leurs enfants ou de leurs animaux. Ce n’est pas innocent lorsqu’on sait que L’OMS, l’organisation mondiale de la santé, a récemment qualifié la solitude de « menace imminente pour la santé », en raison d’un risque accru d’anxiété et de démence ou encore d’accident vasculaire cérébral, or 40 % des japonais déclarent « se sentir seuls » et la France suit le même chemin. Ces robots sont au top de la technologie, équipés de logiciels de reconnaissance faciale, de synthétiseur vocal et d’une multitude de processeurs. On a déjà constaté aussi leurs effets bénéfiques sur les personnes atteintes de démence sénile ou d’autisme. Prochainement ils seront dit-on en mesure de détecter les symptômes de la maladie de Parkinson.
Alors qu’aux Etats-Unis et en Chine on développe la robotique industrielle et militaire, au Japon on privilégie l’assistance aux êtres humains, question de culture. Avec les rituels shintoïstes et ceux de la cérémonie du thé, on est loin, il est vrai, du monde matérialiste américain ou chinois.
Depuis le 13 avril, se tient au Japon, à Osaka, l’Exposition universelle, on y présente les dernières avancées mondiales en termes de sciences et de technologies. Un lieu bien choisi pour un pays qui ne cesse d’innover et qui pourrait bien inspirer le reste de la planète.
Au-delà de cette révolution scientifique en cours il conviendra de répondre à quelques questions essentielles : Lorsque nous vivrons 130, 150 ans, voire plus, qu’en adviendra-t-il des relations humaines, familiales et professionnelles alors qu’aujourd’hui on à déjà beaucoup de mal à se supporter mutuellement ? Quel couple y résistera ? Par ailleurs comment financera-t-on cette longévité accrue alors que nous sommes actuellement obligés de repousser l’âge de départ en retraite pour assurer leur financement ? Enfin, arrivera-t-on à surmonter l’ennui que générera une aussi longue existence, en clair l’individu pourra-t-il psychologiquement supporter de vivre deux fois plus longtemps ? Plus qu’essentielles, ces interrogations sont existentielles.
Il y a des moments où la modernité n’est pas toujours synonyme de progrès.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain