Il n’est jamais trop tard pour apprendre et j’ai été sidéré de découvrir, il y a peu, un texte du poète romancier Louis Aragon, dont les sympathies marxistes sont connues de tous. En le lisant j’ai eu le cœur soulevé d’indignation.
Il confirmait, si besoin était, la complaisance de nombreux intellectuels de notre pays pour les dirigeants totalitaires de l’URSS. Cela je le savais, tout le monde le sait, en revanche je n’imaginais à quel point la complicité avait été aussi grande entre l’intelligentsia de gauche et le régime criminel soviétique. On a tous appris qu’en URSS, de 1929 à 1939, le Guépéou, ancêtre du NKVD et du KGB, le FSB d’aujourd’hui, fut à l’origine de l’extermination, sous les ordres de Staline, de plus de dix millions de koulaks, les paysans russes, au nom de la lutte des classes. On ne compte plus par ailleurs le nombre d’exactions commis par cette SS nazie, mais cela n’a pas empêché notre grand poète national, Aragon, de se faire le chantre d’un génocide avec la bénédiction des communistes français. Jamais je n’aurais osé imaginer qu’il puisse faire l’éloge, comme il l’a fait, de la guépéou, cette sinistre police politique stalinienne.
Pour les russes à cette époque, il n’était pas question de chanter « le temps des cerises » alors que le poète français, marié à Elsa Triolet, justifiait les flots de sang révolutionnaires ordonnés par le « petit père des peuples ». Il faut dire que déjà en 1935 il célébrait les vertus du système concentrationnaire soviétique, le triste et célèbre goulag que dénoncera plus tard l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne. Cette compromission préfigurait sa lâcheté à venir.
Voici ce poème :
 » Il s’agit de préparer le procès monstre
d’un monde monstrueux
Aiguisez demain sur la pierre
Préparez les conseils d’ouvriers et soldats
Constituez le tribunal révolutionnaire
J’appelle la Terreur du fond de mes poumons
Je chante le Guépéou  qui se forme
en France à l’heure qu’il est
Je chante le Guépéou nécessaire de FranceJe chante les Guépéous de nulle part et de partout
Je demande un Guépéou pour préparer la fin d’un monde
Demandez un Guépéou pour préparer la fin d’un monde
pour défendre ceux qui sont trahis
pour défendre ceux qui sont toujours trahis
Demandez un Guépéou vous qu’on plie et vous qu’on tue
Demandez un Guépéou
Il vous faut un GuépéouVive le Guépéou véritable image de la grandeur matérialiste
Vive le Guépéou contre Dieu Chiappe et la Marseillaise
Vive le Guépéou contre le pape et les poux
Vive le Guépéou contre la résignation des banques
Vive le Guépéou contre les manœuvres de l’Est
Vive le Guépéou contre la famille
Vive le Guépéou contre les lois scélérates
Vive le Guépéou contre le socialisme des assassins du type
Caballero Boncour Mac Donald Zoergibe
Vive le Guépéou contre tous les ennemis du prolétariat. » 
M. Aragon, vous qui avez aussi osé dire : « La France doit à Staline son existence  de nation »,  apprès avoir lu cela, je vous tiens pour personnellement responsable, du haut de votre autorité morale et de votre notoriété, d’avoir déformé  intellectuellement toute une partie de la jeunesse d’avant et d’après-guerre par de tels écrits porteurs de haine, et de l’avoir aveuglée en faveur d’une idéologie capable, et coupable, des pires excès. Désormais, à mes yeux votre statue est tombée de son socle. Plus clairvoyant, Céline a préféré dénoncer « la grande prétention du bonheur, voilà l’énorme imposture soviétique ».
Plus récemment, j’ai aussi lu un texte d’un politicien de gauche qui se faisait l’apôtre des jeunes de cités avec ces mots : «  Il y a autant de délinquance dans le VIIème arrondissement que dans n’importe quel quartier périurbain, autant de violence chez le français de souche que chez le fils d’immigré de la deuxième génération, autant de comportements inappropriés chez l’homme à particule que chez le migrant fraîchement arrivé dans notre pays »  et je me suis fait la réflexion qu’entre 1935 et 2025 les choses n’avaient pas beaucoup changé. Il y aura toujours des des individus intellectuellement malhonnêtes pour déformer les choses afin d’influencer les esprits faibles et les conduire, là où ils veulent, en fonction leurs propres desseins.
C’est dans nos gènes, mélange de religion judéo-chrétienne et d’endoctrinement politique, et on n’y peut rien, sauf à exercer librement  son esprit critique, et ne pas accepter n’importe quoi pour argent comptant. Le doute doit nous habiter en permanence car les certitudes sont très dangereuses.
          Jean-Yves Duval, journaliste écrivain