Aujourd’hui j’ai décidé de vous parler des Femmes de ma vie, avec une majuscule, non pas celles qui ont partagé mon existence, ou dont j’ai partagé la leur, mais plutôt des héroïnes de mes romans. En dehors de celles de « Le Prix du sang bleu » de « La mémoire oubliée d’Abigail » et de « Trois divas et un divan », je les ai toutes crées, façonnées, pétries dans l’argile, semblables à des Golem au féminin. Et bien sûr je les ai toutes aimées. Aujourd’hui encore elles hantes certaines de mes nuits car je dois bien avouer qu’en créant ces personnages je me suis souvent inspiré de mes relations amoureuses, en prenant soin qu’on ne puisse pas les reconnaître.
« Le Prix du sang bleu » est une biographie du maréchal Joseph-Augustin de Mailly (1708 – 1794) et en dehors des nombreuses courtisanes de Versailles qui accompagnèrent son ascension comme militaire et commandant en chef du Languedoc-Roussillon, trois femmes ont marqué tout particulièrement sa vie. On les a surnommées « les trois grâces », en référence au tableau de Raphaël que l’on peut voir au musée Condé à Chantilly. Pour le peintre il s’agissait d’un clin d’œil aux déesses romaines représentant l’Allégresse, l’Abondance et la Splendeur. Les trois grâces de mon maréchal sont quant à elles magnifiées sous les traits de ses trois cousines, la comtesse de Mailly-Nesle, la duchesse de Châteauroux et la comtesse de Vintimille. Celles-ci ont été croquées par Carl Van Loo sur un même tableau, exposé dans la chambre de François Ier au château de Chenonceaux. La singularité de la situation est qu’elles ont été toutes les trois, à des moments donnés, les favorites de Louis XV et le plus cocasse est que Joseph-Augustin était lui aussi amoureux de sa cousine la comtesse de Mailly. Protocole oblige, il fut contraint de céder sa place au roi, il est des invitations qui ne se refusent pas.
Avec « So-Ho et le complot du président » la femme fatale du roman se prénomme Isabelle (en souvenir d’une parisienne rencontrée lors de mon adolescence au cours des vacances d’été). Dans le livre, elle est commissaire divisionnaire au service des VO, les voyages officiels, qui assurent la protection des plus hautes personnalités, y compris le président de la République, ce qui est le cas précisément ici. Celle-ci va tomber amoureuse de « So-Ho », un moine bouddhiste, un brin barbouze, qui entre deux séances de méditation pratique le kendo, le sabre japonais. J’ai moi-même pratiqué cet art martial et je peux vous confier que So-Ho est le nom zen que m’a attribué un grand maître français du zen, Roland Reich. Il peut se traduire par « trésor de la sangha », la communauté bouddhiste. Vous devez savoir qu’il n’est pas rare que les romanciers mettent un peu d’eux-mêmes dans leur livre, de même qu’ils piochent chez des personnes de leur entourage certains traits de caractère ou physiques. Je ne vous cache pas non plus que certaines scènes torrides, ici et ailleurs, relèvent le plus souvent de nos fantasmes, même s’il y a aussi du vécu pour plus de réalisme. La jeune femme va bien sûr jouer les trouble-fête dans ce roman de politique-fiction qui entraîne le lecteur dans les coulisses parfois troubles du pouvoir ou le cynisme et la démagogie sont élevés au rang de vertus cardinales.
Le Guetteur d’aurore étant un autobiographie romancée, doublée d’une ballade philosophique et littéraire, en même temps qu’un roman à suspens, je me suis découvert nécessairement plus que dans aucun autre livre. J’ai voulu être transparent et partager avec le lecteur mes errances de somnambule sur un fil, en l’entraînant à mes côtés au fil de mes reportages. De ce fait on y trouve, sous des apparences fictives, les femmes qui ont marqué mon existence, à commencer par cette non-rencontre d’une mère que je n’ai pas connue. A l’évidence je n’étais pas fait pour la vie familiale et cela m’a permis de croiser la route de plusieurs femmes exceptionnelles, tant par leur personnalité, leur beauté que leur choix professionnels. J’espère leur avoir donné ce qu’il y a de mieux en moi car elles m’ont apporté le meilleur d’elles-mêmes. De par mon métier, j’ai eu une vie aventureuse à nulle autre comparable et dans ma vie affective j’ai fait des rencontres magnifiques, inoubliables. On peut dire qu’à l’image des chats j’ai vécu sept vie, ce qui me permet aujourd’hui d’avoir des souvenirs pour mille ans.
L’anneau d’améthyste est une biographie du cardinal Georges Grente, dit aussi Pète-en-soie du fait de ses sous-vêtements luxueux. Celui-ci fût aussi, avant de devenir une éminence, un monseigneur autrement dit évêque du diocèse du Mans. Pour raconter sa vie je n’ai pas eu la possibilité de créer un personnage féminin fictif. En revanche j’ai découvert qu’à son époque une ancêtre de la célèbre Madame Claude vivait dans la Sarthe et j’ai imaginé entre eux une rencontre imaginaire. Cette femme s’appelait Marthe Richard, connue de la France entière pour avoir fait fermer, en tant que conseillère municipale de Paris, tous les boxons de la capitale. La mesure fut ensuite étendue à l’ensemble du territoire à la suite du vote d’un texte de loi au Parlement, ce qui explique qu’on l’ait qualifiée par la suite, » la veuve qui clôt ». Pourquoi cette rencontre incongrue me direz-vous ? Et bien tout simplement parce que mon évêque, en arrivant au Mans, découvrit, à son grand désespoir, que l’évêché était propriétaire de maisons closes dans les rues avoisinantes la cathédrale et qu’il lui revenait d’en percevoir le loyer, qu’on désignait alors sous le mot fleuri de « pain de fesses ». Pour comble de malheur il ne put jamais se débarrasser de ses encombrantes jeunes femmes du fait d’un moratoire hérité de la guerre de 1914 qui interdisait les expulsions. Et le procès qu’il intenta et qui fit rire le pays tout entier n’y changea rien. En clair, tandis que les braves mères de famille assistaient à l’office religieux du dimanche et écoutaient le sermon de Mgr. Grente, leurs maris courraient le guilledou avec d’accortes péripatéticiennes non loin de là. De la maison de Dieu aux lieux de débauche il n’y avait que quelques centaines de mètres qui les séparaient et il est bien connu que les voix du seigneur sont impénétrables. Marthe Richard était au demeurant experte sur la question pour avoir été elle-même une prostituée dans l’Est de la France, puis a Paris, avant de rencontrer un mandataire au Halles originaire du Mans qui lui permit de rentrer dans le droit chemin.
A suivre.