Avant d’écrire,  j’ai aimé lire et cette passion ne m’a jamais quitté depuis l’enfance où il m’arrivait de lire en cachette de mes parents, sous mon drap,  à la faible lueur d’une lampe électrique. Je n’ai cessé de lire depuis lors et mes bibliothèques m’ont toujours accompagné au cours de mes déménagements successifs comme le bien le plus précieux.

Entre le livre et moi c’est une grande et longue histoire d’amour, dont l’issue n’est pas encore écrite, et les livres sont mes amis les plus fidèles depuis mes premières BD de l’adolescence jusqu’aux grands classiques de la littérature, Dumas, Hugo, Balzac, Faulkner, Tourgueniev, Stendhal, Dostoiewski, etc. Je me souviens qu’à la bibliothèque de la fac de droit je connaissais l’emplacement des différents ouvrages au point que l’appariteur m’interrogeait souvent afin de renseigner un étudiant.

Plus tard, lors de mon service, j’ai été hospitalisé à l’hôpital militaire Percy en région parisienne et j’ai demandé à être affecté à la bibliothèque où je gérais les flux de livres pour les malades des différents services, y compris le mien, en pneumologie. Je n’ai pas vu les semaines passer.

Depuis lors,  je n’ai cessé de hanter les bibliothèques de ma ville et d’en visiter ailleurs, et chaque départ en vacances donne lieu à un véritable casse-tête Chinois car je suis tenté d’emporter plus de livres que de vêtements. Ma hantise est d’en manquer, c’est comme une addiction à une drogue douce et je sélectionne soigneusement mes auteurs préférés plusieurs semaines avant le départ.  Napoleon, qui, comme Hitler, était un grand consommateur de livres, avait résolu le problème en embarquant durant ses voyages une véritable bibliothèque de campagne.

Quant à l’envie d’écrire, elle m’est venue en parallèle,  assez tôt avec la rédaction de petites nouvelles vers quinze, seize ans, tapées sur une machine à écrire  Underwood. C’est au cours de cette période que j’ai commencé à rêver de devenir un jour romancier, tout comme je voulais être journaliste. Et j’ai fini par être, et l’un et l’autre. Au demeurant, ces deux activités dont assez complémentaires pour nombre d’entre nous. Elles sont pour moi autant une passion qu’un métier depuis le jour où je suis devenu édacteur en chef d’une radio du groupe Ouest-France, après avoir fait mes premières armes d’écriture dans ce grand journal, à la rubrique sportive d’abord,  puis universitaire ensuite, avant de traiter tous les sujets de l’actualité.

J’ai eu la chance d’avoir  d’excellents maîtres, comme Gilbert Grassin et Jean Cochet à Ouest France. Francis Huger à France-Soir et Alain Hamon à RTL où j’ai effectué un stage. Je leur dois d’avoir été un reporter aux semelles de vent parcourant le monde, souvent sur des théâtres d’opérations militaires à l’occasion de tel ou tel conflit, en Afrique ou dans les Balkans. J’aime l’aventure et j’ai été servi, de la révolution roumaine a la première guerre du Golfe, en passant par la Cote-d’Ivoire, la Somalie, l’ex-Yougoslavie, le Cambodge, le Tchad, etc.

Ce sont ces journalistes talentueux qui m’ont inoculé le virus, non pas du Covid 19, mais du journalisme et je leur dois beaucoup. Comme je dois aux Bodard, Albert Londres et autres Philippe Tesson qui ont su éveiller ma curiosité et mon intérêt pour ce métier par leurs articles sur le Vietnam, le bagne de Cayenne ou dans  Combat  ou le Quotidien de Paris.

La lecture et l’écriture, le micro et le stylo, ont ainsi été des mamelles nourricières où j’ai biberonné avec avidité, jusqu’à satiété. Et aujourd’hui, alors que j’aborde la dernière ligne droite d’une vie mouvementée avec derrière moi des milliers d’heures d’antenne, une quinzaine de livres écrits, des centaines d’articles publiés, je continue avec le même enthousiasme qu’aux premiers  jours, en dirigeant « Ichrono » un site d’informations sénégalaises et internationales sur le web, en étant en le correspondant français d’une radio de la diaspora africaine « en Europe « Diasporavision »,  et en travaillant sur un nouveau manuscrit.

Je poursuis ainsi mon aventure, entreprise il y a plusieurs dizaines d’années pour mon plus grand plaisir, n’enviant pas le moins du monde les retraités et leur camping-car, ou leurs croisières où ils font des ronds dans l’eau. Ils vivent « enfin » une vie qu’ils ont rêvé toute leur existence, alors que j’ai rêvé la mienne, de mon enfance à aujourd’hui.

Il y a mille façons d’être heureux  et le bonheur est universel même si certains ont bien du mal à le trouver car ils ne savent pas apprécier chaque moment que la vie nous offre. Le Zen nous enseigne qu’il faut vivre l’instant présent le plus intensément possible, comme si c’était le dernier, même si « la mort n’est qu’un mauvais moment à passer » comme le disait un humoriste célèbre et qu’elle est «  un vêtement que chacun portera un jour » selon le proverbe africain.

Si j’avais un vœu à formuler, ce serait,  tel Molière, de tirer ma révérence sur scène en tournant la dernière page d’un livre,  ou encore mieux, en tapant le mot  « Fin » d’un roman sur mon ordi.

Je pourrais alors retrouver mes chers Kessel, TE Lawrence, Hemingway, Bodard, Larteguy, Alexandra David-Neel, Lacouture, Malraux, échanger avec eux de l’air du temps, avec le sentiment, à défaut d’avoir réussi dans la vie, du moins d’avoir réussi ma vie, et de ne pas avoir été tout à fait inutile … car les mots ne meurent jamais.