Dans cette période plutôt morose rechercher des informations souriantes relève de l’exploit et il faut creuser profond dans l’actualité quotidienne pour espérer extraire la moindre nouvelle positive. Pour cette revue de presse j’ai eu la chance de découvrir dans les journaux belges le témoignage suivant d’un contribuable de ce pays. A la question, « avez-vous des personnes à votre charge » voici ce qu’il a répondu : « 2,1 millions d’immigrés illégaux, 4,4 millions de chômeurs, 900 000 criminels répartis dans 85 prisons, 650 crétins au parlement ». L’administration lui a retourné sa déclaration au motif que sa réponse était inacceptable. Le citoyen en question à alors répondu par écrit : « Pourquoi, j’ai oublié quelqu’un ? ».
Pour rester en France j’ai aussi relevé quelques perles qui valent leur pesant de cacahuètes. Savez-vous qu’on a récemment remplacé le titre du roman d’Agatha Christie « Dix petits nègres » par « Ils étaient dix », je pose la question, sera-t-on pour autant moins racistes ? De la même façon, a-t-on moins de chômeurs depuis qu’ils sont « chercheurs d’emplois », de pauvres depuis qu’ils sont « RMistes », le nombre des licenciés a-t-il baissé depuis qu’on procède à des « ajustements d’effectifs », les sourds entendent-ils mieux depuis qu’on les dit « déficients auditifs », un aveugle voit-il moins bien qu’un « non-voyant », un SDF est-il moins sur la paille qu’un vagabond, mourrait-ton plus au champ de bataille que sur le « théâtre des opérations extérieures », est-ce qu’une caissière d’hier avait plus de stress qu’une hôtesse de caisse d’aujourd’hui, ménage-t-on plus les femmes de ménage depuis qu’elles sont « techniciennes de surface »,engueule-ton moins les concierges depuis qu’ils sont « gardiens d’immeubles » et est-ce que le mot LGBT nous protège plus des homophobes ? Je ne sais pour vous mais en ce qui me concerne je ne pense pas qu’on puisse guérir de tous les maux en changeant juste quelques mots ? Ce serait trop simple.
De l’autre côté de la Manche, un éditeur anglais vient de décider de retirer de ses ouvrages les mots considérés offensants comme le sexisme, le poids, les questions de genre, etc. On appelle ces coups de ciseaux du joli mot de « lissage ». Cela nous rappelle une autre censure, celle de la fameuse clope de Lucky Luke le cow-boy des BD de Morris. Le personnage, né en 1946, a vu sa cigarette remplacée par une brindille en …1983, trente-sept ans plus tard. Le dessinateur n’a fait qu’anticiper la loi Evin, votée en 1991, qui interdit la publicité pour le tabagisme. Le même Morris avait déjà dû retirer de son album « Hors-la-loi » la scène ou Bob Dalton meurt d’une balle dans la tête … au nom de la moralité. J’ignorais qu’il existait des morts plus morales que d’autres. L’acteur Alain Delon avait également vu une de ses photos de 1966, reprise par Dior pour un de ses parfums, retoquée parce qu’on le voyait fumant une cigarette. Il en a été de même pour l’actrice Audrey Tautou qui en 2009 s’est vu refuser par la RATP l’affiche du film « Coco avant Chanel » pour le même prétexte. Quant à Jacques Tati, on ne rendit sa pipe au célèbre personnage de Monsieur Hulot qu’après que les députés aient exclu du champ de la loi Evin les œuvres du patrimoine culturel.
Qui se souvient que dans les années 1920 – 1933 les Etats-Unis connurent une période, dite de la prohibition, qui interdisait la fabrication et la vente de boissons alcoolisées. Cet épisode de l’histoire fit la célébrité d’Eliot Ness, un agent du trésor américain, à la tête d’une équipe d’incorruptibles. Aujourd’hui, au nom de la bien-pensance on n’agit pas autrement en exigeant des gens, artistes compris, de se soumettre au politiquement correct. Un siècle à passé et les choses n’ont pas tellement changé. C’est au point que je me demande si on autoriserait aujourd’hui la chanson « Cigarette, whisky et p’tes pépées » interprétée par Philippe Clay, Eddie Constantine et Annie Cordy.
Je ne saurais terminer cette chronique sans vous livrer une petite pépite que j’ai découverte à la lecture d’un arrêté municipal d’une petite commune du Maine-et-Loire dont le terrain de football est régulièrement ravagé par des hardes de sangliers. Excédée, la maire des lieux a rédigé l’article 1e comme suit : « Il est interdit à tout sanglier de pénétrer sur le terrain sans s’être préalablement muni de chaussures à crampons » avant de … clôturer l’aire de jeu.
Oui, je confirme, au royaume des aveugles, les borgnes sont rois !