Catégorie : L’ivresse livresque

L’ombre de « L’oiseau de nuit » plane sur les 400 pages de cet excellent polar

Ayant une addiction à la lecture, tous les genres de littérature me séduisent, de la biographie au roman d’espionnage, en passant par la BD et le polar. Ce dernier genre compte cependant un nombre incalculable d’auteurs, et c’est bien là le problème car le risque est plus élevé qu’ailleurs de tomber sur de mauvais livres. Parfois, dès les premières pages celui-ci me tombe des mains et je préfère ne pas m’obstiner. Et puis, comme pour les vins, on peut avoir la chance de tomber sur un bon cru et dans ce cas on s’empresse d’écumer les librairies ou les médiathèques pour trouver, et savourer, la totalité de l’œuvre, trop heureux d’avoir découvert une pépite.

C’est ce qui s’est passé lorsque j’ai lu « La fille sous la glace », puis « Liquide inflammable ». Après quoi je me suis empressé de trouver « Oiseau de nuit ». Et autant vous dire que je suis impatient de mettre la main sur « Jolie filles » la dernière production de Robert Bryndza. Un mot, avant de vous parler de « Oiseau de nuit », que je viens de terminer, pour vous présenter l’auteur. Celui-ci est anglais et après avoir commencé une carrière d’acteur, s’est lancé dans l’écriture de comédies dramatiques. Autant dire que depuis il a bien changé et aujourd’hui ses polars font plutôt frémir que sourire. Le romancier vit aujourd’hui en Slovaquie et seule petite concession personnelle, il a choisir pour son héroïne, Erika Foster, la nationalité slovaque. Celle-ci a toutefois acquis la nationalité Britannique afin de pouvoir intégrer la Met Police de Londres, en qualité de DCI, « Detective Chief Inspector », sous les ordres du superintendant Paul Marsh.

Dès le premier livre le lecteur découvre la forte personnalité d’Erika, une jeune femme, grande, près de 1m80, qui porte le lourd fardeau d’avoir perdu son mari lors d’une opération de police dont elle assurait le commandement, en plus de trois autres policiers. Forte personnalité, car elle a bien du mal à se soumettre aux ordres de sa hiérarchie ce qui entraîne régulièrement des bras de fer avec ses supérieurs. De ces confrontations elle sort finalement gagnante mais qui elles l’empêchent d’obtenir la promotion de « superintendant » qu’elle vise, et qu’elle estime devoir mériter. Ce qui, il va de soi, est aussi l’avis des lecteurs.

Dans ce troisième opus, la directrice d’enquête Erika Forster va se trouver confrontée à une tueuse en série, phénomène assez rare, les serials killers étant des hommes dans la plupart des cas. Les scènes de crimes sont épouvantables. Les victimes, sont l’une un médecin, la seconde un journaliste et la troisième … mystère, car vous le dire viendrait à anéantir tout suspens. Comme toujours les intrigues sont bien ficelées, les personnages attachants, sauf la criminelle bien sûr, quoi que, et l’angoisse est présente tout au long du récit. Nous sommes ici en face d’un prédateur, ou plutôt prédatrice, très maligne, ce qui donne un intérêt tout particulier à ce thriller psychologique. J’ai passé un excellent moment à le lire et je vous le recommande. En cas de confinement, il n’y a rien de tel qu’un bon roman noir pour vos nuits blanches.

Oiseau de Nuit de Robert Bryndza, 400 pages, Editions Belfond dans sa collection Noir, Prix 20 euros

Deon Meyer, un maître du polar sud-africain

Lire Deon Meyer c’est se plonger dans le climat de l’Afrique du Sud post-aprtheid. Et pour moi qui y ai effectué plusieurs reportages c’est retrouver la beauté des vignobles du Cap, l’université de Stellenbosch, les bidonvilles de Sowetto et de Durban mais aussi le parc Kruger et la vue magnifique du Cap. 

Avec « La Proie » cet auteur de polars, amoureux de la France et du rugby (on se demande pourquoi) nous fait partager le quotidien des Hawks cette brigade anti-criminalité du Cap confrontée à deux énigmes qui pour leur résolution n’en feront plus qu’une.

Tout commence par un meurtre inexpliqué dans le Rovos, le train le plus luxueux du monde. Un dossier pourri pour les enquêteurs qui vont être confrontés à une manipulation de la puissante sécurité d’Etat sud-africaine.

Parallèlement à cette première histoire vient s’en greffer une seconde, qui se déroule en Europe,  et qui nous fait pénétrer dans les coulisses d’un complot visant à assassiner le chef d’Etat sud-africain soupçonné de corruption par ses camarades de l’ANC.

Entre anciens combattants de Mandela, agents spéciaux et policiers le combat va être féroce et le suspens garanti jusque dans les dernières pages du livre, écrit par un maître du thriller.

Je vous recommande la lecture de ce roman, qui m’a fait passer un excellent moment,  -560 pages – paru chez Gallimard dans sa série noire. Il y a de fortes chances que vous deveniez addict de cet auteur et de  ses autres ouvrages, et il n’y a pas de mal à se faire du bien.

 

 

Ibrahima Thiam, un homme politique en devenir d’homme d’Etat

J’ai connu Ibrahima Thiam il y a plusieurs années par l’intermédiaire d’un ami commun et immédiatement le courant a passé entre nous. Nous avons découvert que nous partagions les mêmes valeurs humanistes et de fraternité, le même attachement pour l’Afrique, et depuis notre amitié n’a cessé de grandir et de s’enrichir. Secrétaire général de l’INSERM, l’un des plus grands centres européens en matière de recherches scientifiques, installé à Paris, ce quinquagénaire franco-sénégalais est profondément attaché à son pays et depuis longtemps il milite en faveur d’un renouveau de la classe politique, trop souvent corrompue, au Sénégal, comme hélas souvent sur le continent. Homme de convictions il a créé voici quelques années un mouvement politique baptisé « Un Autre Avenir » qu’il a progressivement implanté dans le pays et a souhaité que je l’accompagne dans son aventure. Comment résister à l’appel du large ? J’aime l’Afrique, ses habitants et sa culture depuis des décennies, d’une affection authentique, sincère, désintéressée et cette rencontre avec Ibrahima réveillait en moi des souvenirs puissants.

J’ai en effet parcouru ce continent de long en large, non pas comme touriste, client du Club Med, mais souvent dans des zones de conflits, comme en Somalie, dans la bande d’Haouza (qui sépare l’Algérie du Maroc) où sévissent les combattants du Polisario, où en Côte-d’Ivoire, mais aussi en effectuant des reportages en Afrique du Sud : dans les Township de Soweto, de Durban ou du Cap, dans le parc national Kruger où les animaux sauvages disposent d’un territoire grand comme Israël, en rencontrant des néo-nazis nostalgiques de l’apartheid et en interviewant le chef Zoulou dans la province du Natal. J’ai aussi couvert le sommet de l’UDEAC à Ndjamena au Tchad du temps d’Hissène Habré, des rencontres internationales pour la lutte contre le sida au Cameroun à Yaoundé et j’ai interviewé l’ancien président du Mali Alpha Oumar Konaré dans son palais de Bamako. Quant au Sénégal, comme je l’avais fait précédemment au Tchad, j’ai collaboré avec l’ONG, Enda tiersmonde, en collectant en France de quoi acquérir des dizaines de milliers de préservatifs pour enrayer la propagation du VIH dans cette région voisine du Sahel. Au Tchad il s’agissait de deux tonnes de fournitures scolaires pour les écoliers, et de fournitures médicales pour les dispensaires, sans parler de pompes à eau indispensables pour les puits disséminés dans cette zone aride. Dans ces moments-là j’ai oublié mon micro de reporter pour coiffer la casquette d’un humanitaire venant en aide à des pays frères dans le besoin. Frères en effet, en dépit d’une colonisation qui a laissé de profondes cicatrices comme celles, toujours visibles, de l’île de Gorée où j’ai visité atterré La Maison des Esclaves lieu de départ d’une traite négrière vers les Amériques et les Antilles. Une époque tragique de notre Histoire de France, où les hommes avaient perdu leur humanité.

C’est dire si je ne pouvais refuser la sollicitation d’Ibrahima à qui me reliait autant la chair de ses compatriotes que la terre ocre du sol africain. Sans oublier une profonde admiration pour le père fondateur de l’indépendance sénégalaise, Léopold Sédar Senghor, qui avant d’être un homme d’Etat fut un immense poète et écrivain, premier africain siégeant à l’Académie française. Comment, Ibrahima et moi n’aurions-nous pas partagé son espoir de créer une civilisation de l’universel, ou son concept de négritude, introduit par Amé Césaire : « La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture ».

J’ai donc mêlé mes pas dans ceux de mon nouvel ami lors de sa campagne comme candidat à la dernière élection présidentielle sénégalaise, l’aidant au mieux de mes possibilités dans le domaine que je connais le mieux, celui de la communication. Certes il n’a pas transformé son coup d’essai mais ce n’est que partie remise et nul doute que la prochaine fois il faudra compter avec lui, Macky Sall, ou pas. Pour s’en convaincre il suffit de lire les deux livres de réflexion qu’il s’est donné la peine d’écrire et qui constituent une véritable plate-forme d’action en vue de conquérir un jour le pouvoir à Dakar. Pour leur rédaction il a puisé au plus profond de lui-même, n’hésitant pas à se montrer transparent, y compris dans sa vie personnelle et familiale, et révélant ses espoirs pour un Sénégal plus moderne, plus juste à l’égard de sa population, plus généreux pour les plus faibles. C’est en agissant honnêtement, loyalement et avec détermination qu’un homme politique devient un homme d’Etat. Telle sera sans doute un jour la destinée d’Ibrahima. J’espère être là, à ses côtés, pour savourer ce moment.

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