Yaël Braun-Pivet a qualifié elle-même l’ambiance qui régnait dans l’hémicycle depuis deux ans de « bordélisation » au regard de l’attitude indécente, des vociférations et des comportements injurieux des députés de la France Insoumise (LFI). Dimanche dernier, au soir du scrutin des élections européennes et au vu des résultats calamiteux de la majorité Emmanuel Macron a pris la décision de dissoudre l’Assemblée nationale et depuis une semaine la bordélisation a gagné tout le paysage politique français.
La décision de dissoudre l’AN est une prérogative qu’accorde la constitution de 1958 au chef de l’Etat, elle est discrétionnaire et n’appelle pas de commentaire. Les conséquences, elles oui ! D’abord la date choisie, avec un retour devant les électeurs les 30 juin et 7 juillet prochains, autrement dit à la veille des Jeux-Olympiques, du Tour de France cycliste et de l’Euro de foot 2024. Convenons qu’il ne s’agit pas là d’une période idéale, et qu’en pleine désorganisation du pays (nomination d’un gouvernement, installation des nouveaux parlementaires, etc.) les risques d’actes terroristes s’en trouvent accrus. Emmanuel Macron ne pouvait-il pas attendre le mois de septembre pour ce grand chamboulement ? L’avenir nous dira si son choix a été génial ou calamiteux. Par ailleurs les dates du premier et second tour des législatives correspondent à des départs en vacances, d’où la difficulté pour certains électeurs de se rendre dans les bureaux de vote, de même que de trouver des assesseurs pour les maires, ainsi que des salles municipales disponibles, la plupart ayant été retenues depuis longtemps pour diverses manifestations culturelles, associatives ou sportives.
Mais le plus grave n’est pas là, les procurations peuvent permettre à tout citoyen d’accomplir son devoir civique et les maires nous ont habitué depuis longtemps à faire face à l’imprévu. En revanche cette décision inattendue a eu pour effet de provoquer un séisme de magnitude 8 sur l’échelle de Richter (qui en compte 9) dans notre vie politique, du moins celle des partis, de droite comme de gauche. On a ainsi vu en huit jours, le président des LR, Eric Ciotti rejoindre le Rassemblement national, fracturant son mouvement, avec aussitôt le décision du bureau politique des Républicains de le démettre de la présidence et de l’exclure du parti. Depuis on a appris que la justice, suite à un pourvoi en référé, avait donné raison au frondeur. Une histoire croquignolesque ! La droite de l’extrême-droite n’a pas échappé à ce jeu de massacre avec au sein de Reconquête, un épisode digne de la commedia dell’ arte et le divorce à l’italienne entre Eric Zemmour et Marion Maréchal.
De l’autre côté de l’échiquier politique, on a observé les tripatouillages et autre grenouillages entre le Parti socialiste, les Ecolos, le Parti communiste et LFI, qui hier encore se déchiraient, et dont les chefs se traitaient de tous les noms d’oiseaux, pour accoucher sous césarienne d’un « Front Populaire » new-look, qui doit faire remuer dans sa tombe Léon Blum. Tout cela pour un plat de lentilles.
Tous ont renié sans vergogne leurs principes et leurs serments la main sur le cœur, et les yeux dans les yeux. Et les avatars ne s’arrêtent pas là. On a appris depuis que le député insoumis du nord Adrien Quatennens, qui ne bénéficiera pas de l’investiture du « Front populaire » pour cause de condamnation de violences conjugales, sera candidat sous le label exclusif de LFI… Belle moralité que voilà, tant du côté de l’intéressé que du parti de J.L Mélenchon, mais pas sûr que les femmes lui accordent leurs suffrages. On a aussi découvert que Jérôme Cahuzac, ancien ministre socialiste du budget, condamné naguère pour fraude fiscale, sera à nouveau candidat dans la 3ème circonscription du Lot-et-Garonne. Là où il y a de la gêne il n’y a pas de plaisir. A l’évidence l’honneur n’est pas la principale vertu de ces deux hommes. Enfin, pour clore ce paragraphe nauséabond on vient d’apprendre que le couple Alexis Corbières – Raquel Garrido n’a pas été investi par LFI pour cause de crime de lèse-Mélenchon. On ne joue pas avec les nerfs du chef ! Dernier épisode d’un feuilleton affligeant, en attendant le prochain, car d’ici le 30 juin il y en aura d’autres.
Mais le plus terrible reste à venir avec l’Assemblée qui sortira des urnes le 7 juillet prochain. Avec le score écrasant qu’il a réalisé aux Européennes le Rassemblement national devrait en toute logique sortir vainqueur des urnes, sauf que l’accord d’union conclu à gauche rebat les cartes et on ne voit pas comment la majorité présidentielle en lambeaux pourrait l’emporter. Emmanuel Macron a bien sollicité la bénédiction urbi et orbi du Saint-Père lors de la réunion du G7 qui s’est tenue cette semaine en Italie, on imagine mal pour lui qu’il se produise un miracle, quand bien même les voix du seigneur sont impénétrables. Il aurait dû méditer les paroles de Jacques Chirac : « les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ».
Il y adonc fort à parier qu’au cours de la première quinzaine du mois de juillet nous aurons un gouvernement d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, avec une situation où la bordélisation au sein de l’Assemblée nationale n’aura été qu’un amuse-bouche. Emmanuel Macron, en jouant avec les allumettes, comme La Petite Fille des contes d’Andersen, vient d’expérimenter la théorie du chaos, où le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas.
Pour ma part, souhaitant assister le plus loin possible à cette déflagration, à cette désintégration de notre vie politique, j’ai préféré prendre mon billet pour Kourou en Guyane, afin d’embarquer le 9 juillet pour le vol inaugural d’Ariane 6. Je pourrais ainsi vérifier si ce que disait Jean Gabin, dans le film « Le Pacha » de Georges Lautner, est vrai : « Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner ». Il risque d’y avoir foule la haut !