Cette semaine j’aurais pu vous parler du regretté Alain Delon, mais qu’aurais-je pu dire de plus que ce que vont écrire les magazines Paris-Match, Gala, Le Point, Le Nouvel Obs, l’Express, etc. ? Rien ! Alors j’ai préféré m’en tenir à un fait de société, un brin scabreux, celui de ce squatteur qui après s’être introduit dans une résidence pour profiter de la piscine a fait une chute et est devenu tétraplégique. J’entends déjà certains dire selon leur propre sensibilité « ce n’est que justice », ou « voilà ce que c’est, que de s’introduire frauduleusement dans la propriété d’autrui », ou encore « c’est bien malheureux », etc. Là où l’affaire se corse, bien qu’elle ait eut lieu dans la région toulousaine, c’est lorsqu’on apprend aujourd’hui que deux ans après les faits la victime aurait porté plainte … pour négligence contre les copropriétaires de la résidence ! Comme aurait dit le dramaturge Corneille, voilà bien une situation pour le moins cornélienne.
En clair, voici quelqu’un qui, à la suite d’un plongeon dans une piscine qu’il avait squattée, se brise les vertèbres, et qui demande aujourd’hui réparation pour le dommage qu’il a subi. C’est le monde à l’envers, pensez-vous. Et bien non, car l’article 1244 du code civil stipule que « les propriétaires doivent répondre d’un dommage survenu chez eux, même si ce dommage est survenu alors que la personne était illégalement dans les lieux » … On avait déjà vu la difficulté de certains propriétaires pour récupérer un bien squatté en leur absence, la lenteur de la justice et les difficultés d’obtenir un arrêté d’expulsion par la préfecture et de son exécution par voie d’huissier afin de recouvrer leur bien, mais là c’est pire. Vous êtes en vacances, en votre absence on fait mumuse dans votre bassin, sans y être invité, et vous êtes cependant considéré comme responsable si le baigneur se blesse, ou pire, boit la tasse et se noie. Alors on fait quoi ? On campe, l’arme à la main autour de la piscine ? On établit des tours de garde, le père de famille de vingt heures à minuit et l’hôtesse des lieux de minuit à 6 heures du matin ? Que fait-on alors de l’intimité amoureuse du couple et de la nécessité de contribuer au développement démographique de la France et à l’indispensable renouvellement des générations ? On peut aussi envisager de construire, en plus d’un barbecue, un mirador pour surveiller les alentours, installer des pièges à loups et des sirènes d’alarme, au risque de réveiller tout le quartier à la moindre intrusion, embaucher des vigiles, équiper le terrain d’un système de vidéo-surveillance relié au commissariat du quartier, etc. Nous déconseillerons, cela va de soi, outre les mesures qui précèdent, celle qui consisterait à transformer son jardin en champ de mines.
Tout ceci est absurde me direz-vous et je serai d’accord, mais est-ce beaucoup plus absurde que le sort qui attend tout propriétaire de piscine susceptible au cours de chaque été de voir celle-ci utilisée à son insu par des visiteurs indésirables ? Car, sachez-le bien, tout préjudice corporel, même dans ce cas de figure, devra faire l’objet d’une indemnisation au terme d’une procédure civile, voire même l’attribution de dommages et intérêts suite à une décision de justice.
Et que fait-on, lorsqu’un arrêté préfectoral interdit de remplir d’eau sa piscine en période caniculaire si un malheureux squatteur, de retour de fête, pique une tête sur le béton ? Qui est responsable, le propriétaire des lieux ou le préfet du département ? Face à ces risques qui viennent s’ajouter à la nouvelle fiscalité des piscines, calculée à partir d’une valeur forfaitaire fixée à 258 euros par mètre carré de superficie du bassin, je n’ai qu’un conseil à donner aux propriétaires de piscines : Bouchez-les ! Ou alors, transformez-les en cave à vins ou en abri antiatomique, vous pourrez ainsi dormir sur vos deux oreilles.