Lorsqu’en 1871 Arthur Rimbaud écrivit, à l’âge de 16 ans, Le Bateau ivre, un bateau sans maître, chahuté par les flots, il n’imaginait pas combien un siècle et demi plus tard, la France ressemblerait à cette frêle embarcation décrite par le poète, et il m’arrive d’imaginer qu’en cet été finissant un certain Emmanuel Macron écoute dans un des salons de l’Elysée la chanson L’imaginaire de Léo Ferré tiré des quatrains de Rimbaud.
Il pourrait tout aussi bien flâner rue Férou à Paris où une reproduction intégrale du Bateau ivre occupe un long mur, celui de l’hôtel des impôts, non loin de l’endroit où le poète aurait présenté le poème pour la première fois. Peut-être puiserait-il dans la chanson de Ferré, ou le graffiti de la rue Férou, l’inspiration nécessaire à la désignation d’un Premier ministre et la nomination d’un nouveau gouvernement. Qui sait !
Car s’il n’était aussi dramatique de voir un pays gouverné par des ministres démissionnaires depuis plus d’un mois et demi, (et en même temps parlementaires) on pourrait croire à une représentation de la commedia dell’ arte, où le comique le dispute au tragique, lié au fait que la bande à Attal expédie les affaires courantes de la France depuis le 16 juillet, soit près de cinquante jours. Ah, on pouvait bien se gausser de la situation de nos voisins belges, voire espagnols ou italiens, car si nous avons décroché 64 médailles aux derniers Jeux Olympiques de Paris, nous avons aussi, depuis le 23 août, atteint le record de durée d’un exécutif démissionnaire sous la la IVème, qui était de 38 jours, et à deux doigts de battre celui de la 5ème République qui reste de 60 jours. J’ajoute que la France est également championne paralympique toute catégorie du fait de son infirmité politique actuelle.
Imagine-t-on une entreprise ballotée au gré des vents, face à la compétition nationale et la concurrence internationale sans ses cadres et dirigeants ? Une équipe sportive sans ses coachs et sélectionneurs ? La Basilique de Rome sans son évêque ? C’est Poutine, au Kremlin qui doit bien rire, de même que le calife ottoman d’Istambul ou le nouvel empereur chinois. Nous offrons à toute la planète un spectacle pitoyable, lamentable. J’entends d’ici les réflexions : « Ah, ces petits français arrogants … ces donneurs de leçons au monde entier …. ces gaulois dont le coq a aujourd’hui les pieds dans la m … » j’en passe et des meilleurs, tellement c’est affligeant, attristant, désespérant. Quelle humiliation ! Comment nos diplomates, après cela, peuvent-ils espérer être crédibles ? Heureusement que la culture, nos chefs étoiles, le vin, le parfum et le sport hexagonal rayonnent encore à l’étranger pour sauver l’image du Made in France. On a rêvé de Léonardo Di Caprio dans « Titanic », on a Emmanuel Macron.
Ce lundi 2 septembre, ce sera le jour de la rentrée scolaire, les élèves seront là et les enseignants à leur poste, ne manquera que .. la ministre de l’éducation nationale !! Fait-elle grève, non, » elle est démissionnaire » et expédie les affaires courantes (sic). Notre enseignement, déjà bien mal en point, ne méritait pas cet affront supplémentaire, comment oser parler « d’affaires courantes » alors qu’il s’agit de l’avenir de la jeunesse de ce pays.
Et pendant ce temps, Emmanuel 1er, celui qui se prenait pour Jupiter, en visite en Serbie, en pleine crise politique, en bon VRP de l’industrie de défense vient de vendre douze avions de chasse Rafale à ce pays, quel bon petit soldat ! A l’évidence Jupiter a été amputé d’une cuisse, à l’image de la Vénus de Milo. Mais que le bon peuple se rassure « il travaille jour et nuit depuis des semaines (y compris au Fort de Brégançon, dans le Var, où il a séjourné une partie du mois d’août, sans cependant trouver l’inspiration au grand air marin) pour trouver la meilleure solution pour le pays « . Elle est drôle la blague, elle est bien bonne celle-là, qui l’a mis, le pays, dans cette situation si ce n’est lui, à la suite d’une dissolution calamiteuse ? L’article 1240 du Code civil nous enseigne que « quiconque cause à autrui un dommage est tenu à le réparer » Serait-il le seul exempt de cette obligation ? Il a voulu briser son jouet (qui accessoirement est le nôtre), qu’il le répare, et le plus vite sera le mieux.
Et comble de l’ironie, on a vu tout au long de l’été, une auto-proclamée Première ministre, Lucie Castets, se pavaner devant les caméras de télévision en expliquant ce qu’elle comptait faire à son arrivée à Matignon, comme elle a dû déchanter, la malheureuse, lorsqu’elle a vu ses espoirs s’envoler du jour au lendemain ! Au cours des mois de juillet et d’août d’autres prétendants se sont aussi bousculés au portillon, les Carole Delga, Xavier Bertrand, François Bayrou, Laurent Vauquiez, Benoît Hamon, André Chassaigne, Huguette Bello, Cécile Duflot, Clémence Guetté, Marine Tondelier, Laurent Berger, plus récemment Ségolène Royal, etc. j’en oublie certainement, autant de dossards rouges et bleus qui ont fait long feu jusqu’à ce qu’un favori semble tenir la corde en la personne de Bernard Cazeneuve, celui qui ressemble tant à un notaire de province. Rassurons-nous, on a échappé de peu à la candidature de François Hollande, revenu du diable Vauvert et qui a retrouvé les bancs de l’Assemblée nationale. Le pire n’est jamais certain ! Le plus surprenant dans cette affaire c’est que tous ces postulants, vieux routiers de la politique, qui aspirent à succéder à Gabriel Attal, feignent d’ignorer que leur durée de vie à Matignon serait des plus éphémères car une motion de censure pend au nez de chacun, aucun parti n’ayant de majorité et ne souhaitant se coaliser avec d’autres.
Vanité des vanités, ils seraient bien inspirés de relire l’Ecclésiaste !
Oui vraiment, depuis des semaines, que dis-je des mois, voire plus encore, la scène politique française est devenue l’expression de la commedia dell’ arte, où des cabotins font preuve de naïveté, de duplicité, de fourberie, dans la droite ligne du théâtre populaire italien. On pourrait en rire, s’en amuser, s’il n’était question de la France et de l’avenir des français !