28 décembre 2024, hôpital du Mans
Rendre visite à un ami hospitalisé depuis le 25 décembre en cancérologie, c’est comme accompagner un pèlerin pour son dernier voyage sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. C’est savoir que nos chemins, qui s’étaient jusque-là croisés, vont désormais se séparer et qu’aux mots va bientôt succéder le silence. C’est se dire que les moments partagés hier encore appartiennent déjà aux souvenirs, et qu’une page du grand livre se tourne, celle où toutes nos destinées sont écrites par une main mystérieuse. C’est, dans une chambre aseptisée et stérilisée, mesurer la fragilité de notre présence ici-bas, l’étrangeté de cet organisme humain, à la fois faible et si résistant, miracle de la création, soudainement en proie aux pires tourments existentiels. C’est aussi découvrir le rôle admirable des soignants qui font preuve d’une humanité exemplaire, d’une bienveillance exceptionnelle dans ces moments douloureux. Les paroles très chaleureuses du médecin raisonnent encore dans mes oreilles. C’est enfin en quittant la pièce, avant que la nuit l’obscurcisse, adresser à l’ami, encore présent, et déjà absent, un geste amical. C’est un peu comme si on éteignait la lumière derrière soi. Il s’appelle Guy Domain, et je le connais depuis trente ans.
31 décembre, dernier jour de 2024
Entré aux urgences le jour de Noël l’ami en question vient de décéder en ce dernier jour de l’année, comme s’il n’avait pas voulu tourner la première page de 2025 et comme le petit prince de Saint-Exupéry il a rejoint le ciel. En cette périodes de vœux et à quelques heures du réveillon je lui souhaite un beau et paisible voyage. Il sera désormais dans l’univers une étoile supplémentaire qui nous illuminera de sa présence bienveillante et chaleureuse, et certains soirs elle scintillera comme pour nous adresser un salut amical. Cet homme est le père de mon amie Karine et cette disparition soudaine, due à une infection foudroyante, l’a anéanti de chagrin ainsi que sa mère, une femme passée du jour au lendemain du statut d’épouse à celui de veuve. Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie. Cette année, le 25 décembre et le 1er janvier auront été des fêtes tristes, que son âme repose en paix ! 💐💐💐
Guy Domain était chauffeur de l’administration et à véhiculé plusieurs préfets et directeurs de cabinet de la Sarthe au cours de sa carrière. D’eux d’entre eux comptaient parmi mes meilleurs amis, Jean-Gil Marzin et Bertrand Riou, et nul doute que s’ils étaient encore de ce monde ils seraient très affectés par sa disparition car ils appréciaient l’homme et avaient tissé avec lui des liens amicaux et de confiance, qui dépassaient de loin les seules relations professionnelles. Guy Domain était en effet quelqu’un de gentil, de généreux et était fait de cette pâte de « brave homme », comme l’on qualifie les gens biens, trop peu nombreux sur notre bonne vieille planète Terre.
Les années se suivent et ne se ressemblent pas, on voit autour de soi des familles régulièrement endeuillées au moment des fêtes de fin d’année, il n’y a pas de bon jour pour mourir, en pensant que cela ne nous arrivera pas, jusqu’au jour où … et on sait que les prochains Noël et jour de l’An ne seront plus les mêmes, ils seront désormais entachés d’une tristesse indélébile. La joie habituelle des festivités est désormais derrière nous car il manquera toujours un convive autour de la table, un de plus qui viendra s’ajouter aux proches déjà disparus.
Ainsi va la vie qui, d’année en année voit le nombre de couverts se réduire, jusqu’au jour où c’est le sien qui sera manquant, car en naissant nous avons signé, sans le savoir, notre propre mort.
Jean-Yves Duval