En 1971, Alain Peyrefitte, ministre du général de Gaulle publiait « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera » on peut saluer son côté visionnaire, trente ans plus tard la Chine s’est éveillée et Mao triomphe de façon posthume.
On en voit le résultat : un expansionnisme économique débridé, pardon pour le jeu de mot, illustré par les routes de la soie, une volonté de conquête territoriale, Taïwan, et une remise en cause de l’ordre international (alliance avec la Russie et le sud global), établi au lendemain de la seconde guerre mondiale. On a assisté ces dernières années à la renaissance d’un Empire, celui du milieu. Et face à celui-ci, l’empire russe, et surtout américain, et à moindre échelle l’empire turc ( ex empire Ottoman) et l’empire iranien (ex empire Perse). Les tsars et les empereurs sont de retour, les peuples n’ont qu’à bien se tenir, la France, de son côté, peut compter sur son monarque républicain en vertu de la constitution de la Vème République.
Dans tout ce gloubi boulga planétaire quelle est la place de l’Europe ? Hier encore grande puissance industrielle, coloniale et économique, elle s’est, ces dernières décennies, endormie, telle la Belle au bois dormant. Et comme dans les comtes de Perrault, nous la voyons sous nos yeux sortir de sa torpeur sous l’effet d’un baiser, non d’un prince charmant, mais de Donal Trump un autocrate sorti tout droit des cartons d’Hollywood, un fantôme qui depuis son échec voici quatre ans rêvait de prendre sa revanche et hantait, les couloirs de la Maison Blanche devenue un château hanté. L’oncle Sam en a plus qu’assez de transfuser le patient européen depuis 1945, de lui assurer la protection otanienne et l’abri du parapluie nucléaire US et exige aujourd’hui qu’il devienne adulte et assume sa destinée. Il lui faut quitter le giron familial et voler de ses propres ailes.
Et le prince charmant ne prend pas des gants et n’y va pas avec des pincettes pour larguer les amarres, comme on l’a encore vu lorsqu’il a reçu vendredi à Washington Volodimir Zelenski le président ukrainien qu’il a copieusement humilié publiquement. La suffisance, l’arrogance, la violence des propos, les vociférations de Donald Trump sont sans limite.
De cette sommation, de ce mal peut toutefois sortir un bien et faire demain de l’Europe une vraie puissance mondiale, avec notamment une réelle communauté de défense, et non un vassal des grands de ce monde comme c’est le cas aujourd’hui. A condition cependant de le vouloir. Ne dit-on pas que les accouchements se font souvent dans la douleur ? Et bien c’est le cas, ici et maintenant. L’Europe n’a d’ailleurs pas le choix car elle est le dos au mur. Et qui sait si demain un écrivain ne va pas publier un livre intitulé « Quand l’Europe s’éveillera » ? Nous aurons alors assisté à une mutation radicale de vieilles nations en un continent, délivré de ses dépouilles, ayant endossé des habits neufs.
Pour en arriver là, il aura fallu une guerre en Ukraine et le péril russe, qui n’est plus rouge, à nos frontières, des dizaines de milliers de morts, et surtout l’élection présidentielle d’un revenant dans la capitale américaine.
Aujourd’hui toutes les planètes sont alignées, les voyants sont au vert, alors saisissons l’opportunité qui se présente, sous peine de disparaître dans les profondeurs de l’histoire.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain