En prenant de l’âge, un jour ou l’autre, on repense inévitablement aux vacances d’été de son enfance. On se revoit hier, on revit ces épisodes heureux, ces parenthèses aventureuses des mois de juillet et août, si lointains et encore tellement proches. Sur la plage où à la montagne, en famille ou avec des copains. C’était aussi le temps des premiers émois amoureux, des aventures éphémères comme peuvent l’être les saisons.

Je revois, comme si c’était hier, mes vacances sur l’île de Noirmoutier, dans le petit village de l’Epine, à la plage des Dames dans le bois de la chaise, ou encore à St-Malo, dans la cité Corsaire, les bains de soleil sur le sable devant la porte St Michel, brèche dans les remparts imaginés par Vauban, qui ceinturent la ville bretonne, la pêche aux crabes et aux araignées débusquées dans les anfractuosités de rochers qui ceinturent l’île, d’où, depuis son tombeau, Chateaubriand contemple l’océan, avant que la marée montante ne l’isole, et la rende inaccessible à pieds.

Je repense à mes escapades vers ce qui n’était encore qu’un petit port où, après avoir aidé un marin à attacher au quai les amarres de sa petite vedette de touristes, il m’avait offert des aller-retour gratuits St-Malo-Dinard à bord de son frêle esquif en échange ce petit boulot estival. Quel bonheur et quelle fierté d’être considéré comme un mousse, aux ordres de son capitaine.

Plus tard, je me revois, avec une bande d’amis, dans le golfe du Morbihan, régater depuis Port-Navalo sur la rivière d’Auray avec des petits dériveurs 505, respirant l’air du large à plein poumon … avant, le soir, de découvrir l’atmosphère enfumée de quelque boîte de nuit de la côte. C’était le temps béni des « surprises-parties » où le GHB n’existait pas, pas plus que les bagarres entre consommateurs éméchés. Nous avions l’alcool gai et pacifique en ce temps-là. Et la galanterie était innée, et non une option.

Le disc-jockey avait l’embarras du choix pour sa playlist, entre Johnny Hallyday, les Beatles ou les Rolling Stones, Sylvie Vartan, les Shadows, Eddy Mitchell ou Françoise Hardy. Entre rocks d’un côté et slows de l’autre qui nous permettaient d’enlacer nos partenaires d’un soir, de leur voler un baiser, voire plus si affinités. Le sida n’avait pas encore fait son apparition, qui allait plus tard faire des ravages dans les relations amoureuses de plusieurs générations. Ces mêmes vedettes yéyé faisaient le reste de l’année les beaux jours de l’émission « Salut les copains » de Daniel Filipacchi et Franck Thenot sur Europe 1.

Avec la fin juin, avec ses couettes et sa jupette écossaise Sheila chantait « L’école est finie », c’était le temps des vacances, de la liberté, des boums et des flirts. C’était le temps du bonheur !

En septembre, certains d’entre nous allions prendre le chemin  de la fac, les choses sérieuses commenceraient et les plus aisés roulaient en Dauphine où Simca 1000, après avoir obtenu le fameux papier rose du permis de conduire. Nous vivions dans l’insouciance de nos quinze ans, dix-huit ans… convaincus que nous profitions là de nos plus belles années.

Avec la rentrée, il nous faudrait quitter notre famille, trouver un emploi les études terminées, voler de nos propres ailes, s’émanciper, plonger dans l’inconnue, tourner une page de notre jeune existence. S’assumer en quelque sorte, sans savoir ce que l’avenir nous réserverait. Des bons et des mauvais moments, des surprises agréables et des épisodes cruels sans doute. Nous vivions sans le savoir, un rite initiatique d’apprentissage de la vie.

Nous savions seulement que nous avions vécu au crépuscule de l’adolescence et à l’aube de l’âge adulte des moments inoubliables, qui bientôt ne seraient plus que des souvenirs, à jamais gravés dans notre mémoire.

La preuve, des décennies après, ils sont toujours là, présent, vivaces et empreints d’une certaine nostalgie.