Avant d’en venir au fait, un bref retour en arrière s’impose. C’est en 1996 que Jacques Chirac, alors président, décida de supprimer le service militaire obligatoire, pour le remplacer en 2001 par « la journée d’appel de préparation à La Défense », devenue en 2011″ la journée Défense et citoyenneté ».
A l’époque, le chef de l’Etat estimait à raison que la défense du pays ne nécessitait pas un aussi grand nombre d’appelés sous les drapeaux, du fait de l’éclatement du bloc communiste et de l’éloignement des menaces à l’Est. Deux autres motifs justifiaient cette décision, à savoir le coût exorbitant pour la nation de cette armée de conscription et la nécessité de la remplacer par une armée de métier, professionnalisée, en raison des progrès technologiques et l’arrivée du numérique et de la robotique, ainsi que la guerre cyber, autrement dit spatiale. Sans oublier que la dissuasion nucléaire devait nous permettre de dormir sur nos deux oreilles, ne soupçonnant pas que trente ans plus tard on en reviendrait à une guerres de tranchées et de positions comme en 14-18.
En Ukraine, la guerre conventionnelle a repris ses droits par crainte de la vitrification atomique et la glaciations du continent européen. Suite à sa promesse de campagne de 2017, Emmanuel Macron, de son côté, a inauguré en 2019, « le service national universel SNU », qu’aujourd’hui, six ans après, il entend transformer en « service volontaire universel » qui devrait dans un premier temps accueillir deux à trois mille jeunes, et 50 000 d’ici quelques années. Un changement d’enseigne et de vitrine mais un fond de commerce analogue, tandis que nos voisins européens, plus réalistes, reconstituent leurs divisions à marche forcée.
L’explication de toutes ces réformettes tient à l’existence de nouveaux périls à nos frontières et à l’urgence de recomposer une troupe digne de ce nom face à nos potentiels ennemis. « Il faut faire masse » a déclaré récemment Jean-Yves Le Driand l’ancien ministre de La Défense. On en est très loin, d’autant que ces nouveaux bidasses ne sont pas destinés à « monter au front », mais en servant par exemple dans l’opération Sentinelle, oubliant que si la guerre d’Indochine à été une guerre menée par des régiments d’engagés, celle d’Algérie a été conduite par les appelés du contingent.
On est loin de surcroît des propos du chef d’état-major des armées, le général Mandon, qui évoquait il y a peu l’éventuel « sacrifice des fils de France ». Les français comprennent tout cela, si ce n’est que « « faire et défaire » n’est jamais une bonne stratégie. Et si en 1996 il était nécessaire de faire des économies, il est encore plus urgent d’en faire en 2025, compte tenu de notre endettement colossal. Or nous n’avons plus les casernes et les équipements adaptés à la situation et, ne rêvons pas, nous n’aurons jamais un effectif comparable à celui de l’armée napoléonienne, 620 000 hommes en 1812 et plus de deux millions durant l’Empire.
En réalité ce nouveau service militaire permettra seulement de grossir les rangs des réservistes. On le voit, il s’agit là d’un objectif aux ambitions limitées et que nous sommes incapables avec nos 150 000 hommes de nous opposer aux forces ennemies, à savoir quelques 1,5 millions de combattants russes. Il s’agit là d’un de ces écrans de fumée dont est familier Emmanuel Macron, un numéro de plus du prestidigitateur de l’Élysée, de « l’esbroufe », dirait le vulgum pecus.
Cette réalité devrait conduire le président à un peu plus de modestie, alors qu’il s’obstine à jouer les matamores sur la scène internationale, mais s’il y a bien une chose dont il n’est pas avare c’est son ego.
Sauf que le chapeau de Bonaparte et les bottes du général sont beaucoup trop grands pour lui, et le réveil n’en sera que plus brutal lorsque la réalité le rattrapera.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain