Pour Emmanuel Macron, le 19 novembre dernier est à marquer d’une pierre noire. Ce jour-là, en déplacement à Arras (Pas-de-Calais) et face à la colère des agriculteurs il a du, à la demande du GSPR, (service de sécurité) quitter sa voiture officielle pour rejoindre à pied le lieu de rendez-vous, à 500 mètres de là, … sous la pluie ! Tenu pour responsable de ce crime de lèse-majesté, le préfet Laurent Touvet, en poste depuis six mois, a été limogé dans la foulée par le chef de l’Etat. Pour la petite histoire, ce préfet, grand commis de l’Etat, dont c’était le cinquième poste dans la préfectorale, est le beau-frère du général de Villiers *, ancien chef d’Etat-major qui a lui-même démissionné de son poste au lendemain de l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée en 2017, en raison d’un désaccord profond existant entre les deux hommes. Bel exemple de fait du prince ! A croire que le chef de l’Etat se prend pour la réincarnation de Louis XIV, après avoir cherché vainement à être celle de Jupiter.
Si l’histoire n’était pas aussi ridicule, elle prêterait à rire car reprocher à un préfet la pluviométrie sur les mocassins présidentiels, c’est un peu fort de café ! comme si être diplômé de l’ENA prédisposait à influencer la météo. Chirac, Sarkozy, Hollande, auraient peut-être engueulé le serviteur de l’Etat et l’incident aurait été clos, mais sous ses airs de premier communiant Macron n’est pas un gentil. Et il peut avoir la rancune tenace. « ça ne m’a pas plu ! » aurait-il pu ajouter, pinces-sans-rire, mais il ne goûte guère l’humour. A deux ans du terme de son deuxième quinquennat l’homme se transforme de plus en plus en autocrate qui est entré en phase terminale de déni et de toute puissance, qu’accentue un syndrome d’hubris et un profond besoin d’être reconnu et admiré, avec une lubie obsessionnelle : revenir à l’Elysée en 2032. Il n’écoute d’ailleurs plus personne, et ses fidèles alliés de la première heure l’abandonnent les uns après les autres, ce qui augure une triste, voire une tragique fin de règne.
Et comme il ne doute jamais de rien, voici notre globe-trotter, (qui cumulerait les Miles à Air-France, s’il ne disposait pas d’un Airbus présidentiel) parti en Chine avec l’espoir d’y jouer un rôle diplomatique à sa hauteur. Il ne doute vraiment de rien. Hélas, ici comme ailleurs, il n’a obtenu aucune concession géopolitique de Xi Jiping, au cours de son déplacement, en particulier sur l’Ukraine et a du se contenter d’admirer les pandas géants de Chengdu et de rencontrer les frères pongistes Alexis et Félix Lebrun. Il s’est bien gardé en outre d’évoquer le contentieux avec l’enseigne Shein, évitant soigneusement un sujet qui fâche, au risque d’avaler le riz de travers lors du banquet officiel. Déjà incapable d’obtenir d’Alger la libération de Boualem Sansal, (merci l’Allemagne) de même que celle du journaliste sportif de So Foot Christophe Gleizes. Comment le président français, largement discrédité en France et à l’international, pouvait-il espérer apparaître comme un médiateur crédible dans le conflit russo-ukrainien, et obtenir des concessions de la part de l’Empereur du milieu ? Le chinois, d’un simple coup d’éventail a remis l’insecte français à sa place.
A l’évidence, ses conseillers élyséens ne lui avaient pas remis avant son départ de Paris l’analyse d’Emmanuel Lincot, professeur à l’Institut catholique de Paris, et spécialiste reconnu de la Chine, selon laquelle : « Globalement l’empire du Milieu nous perçoit comme une nation archaïque, bordélique, inefficace politiquement et médiocre économiquement« . S’il l’avait lue, nul doute que son arrogance aurait été « douchée » et l’aurait conduit à plus d’humilité envers ses hôtes chinois. Mais l’humilité, sait-il seulement ce que c’est ?
Après la grogne paysanne et la pluie dans le Pas-de-Calais, et une douche à Pékin, quelle semaine de m… pour l’hôte de l’Elysée !
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain.
- Le général de Villiers vient de sortir ces jours-ci un ouvrage : » Pour le succès des armes de la France » aux éditions Fayard