Mercredi 24 décembre, le Parlement algérien a adopté – à l’unanimité – la proposition de loi qualifiant la colonisation française de « Crime d’Etat » et fait porter à l’Etat français « la responsabilité juridique de son passé colonial et des tragédies qu’il a engendrées » entre 1830 et 1962. A l’appui de ses accusations l’Algérie évoque les « essais nucléaires », « la pratique de la torture physique et psychologique », les « exécutions extra-judiciaires » et le « pillage systématique des richesses ». Nous voilà habillé pour l’hiver !

On savait qu’on n’avait rien à attendre du régime du président Tebboun depuis l’embastillement de nos français, Boualem Sansal et Christophe Gleizes dans les geôles d’Alger, mais cette fois il s’agit d’un acte de franche hostilité à l’égard de notre pays, à qui il est en outre demandé des réparations financières et des excuses officielles. La portée de cette loi, symboliquement importante sur le plan intérieur algérien, est toutefois sans véritable conséquence internationale pour la France, en dehors du fait qu’elle porte un coup fatal au rapport mémoriel auquel Emmanuel Macron était tellement, et naïvement,  attaché. S’il n’est pas question de nier les effets néfastes de la colonisation, quelle qu’elle soit, aller jusqu’à dire, comme le chef de l’Etat français l’a fait en 2917  de « crime contre l’humanité », (ce qui a mis le feu aux poudres), est excessif et la décision de l’Algérie est plus que contestable car c’est un réquisitoire à sens unique.

Elle revient à condamner implicitement la colonisation « en général » et par voie de conséquences toutes les colonisations depuis l’antiquité : romaine, grecque, arabes, turques, allemandes, espagnoles, britanniques, portugaises, soviétique, etc. A ce compte là, chaque peuple sur la planète est en droit de réclamer des comptes à ses « oppresseurs », et les cours internationales de justice ont du travail pour mille ans.

L’accusation ayant fait valoir ses reproches, qu’il soit permis à la défense d’avancer ses arguments et réclamer à son tour :

  • La condamnation de l’Algérie pour la traite des blanches,
  • Une indemnisation pour toutes les infrastructures créées par la France, routes, ponts, écoles, mairies, hôpitaux, chemin de fer, barrages, centrales hydroélectrique, etc.
  • Le remboursement de toutes les aides au développement attribuées à l’Algérie depuis des décennies,
  • Le remboursement de tous les soins offerts gracieusement depuis des décennies aux ressortissants algériens en France,
  • la fin des privilèges accordés aux algériens venant dans l’Hexagone (prestations sociales, logement, etc.)
  • L’acceptation immédiate du retour au pays de tous les algériens faisant l’objet d’une OQTF

Etc. Etc.

Cette proposition de loi en réalité est l’arbre qui cache la forêt, Tebboune créant un écran de fumée pour masquer ses propres difficultés dans son pays. Comment, en effet, mieux « unir » un peuple désuni, contestataire et souvent  révolté, qu’en tapant sur le dos de l’ancien colonisateur, qu’en faisant de lui un bouc émissaire ?

Que ne s’occupe-t-il pas plutôt de la Kabylie, dont un mouvement autonomiste a déclaré l’indépendance vis-à-vis d’Alger le 14 décembre dernier. Le régime de Tebboune, va-t-il devoir faire demain avec les kabyles ce qu’il reproche aujourd’hui aux français, face à un peuple fier, courageux, enraciné dans son identité, dans sa langue, sa culture ? Certes, comme le Tibet et la Catalogne, la Kabylie ne peut encore exercer son droit de Nation et Etat souverain, mais cette démarche marque néanmoins l’aboutissement d’un long processus de résistance, de conscience et de dignité.  Le droit à l’autodétermination est en effet inscrit dans la Charte des Nations-Unies et garantit à chaque peuple le droit de choisir librement son destin, or le peuple kabyle subit depuis 1962 l’oppression d’un pouvoir arabo-islamique autoritaire et que depuis 2021 la dictature algérienne à classé le mouvement indépendantiste de la Kabylie comme « terroriste ». Nul doute que Tebboune et son successeur vont être confrontés sous peu à des lendemains qui déchantent avec la future République Kabyle, et qu’au lieu de vociférer contre la France, l’actuel chef de l’Etat algérien serait bien avisé de balayer devant sa porte.

Il est grand temps de mettre un terme à cette relation méditerranéenne incestueuse ! Quant à Emmanuel Macron, toujours prompt à se repentir et à se flageller, il doit bien s’en mordre les doigts aujourd’hui. Voilà ce qui arrive lorsqu’on passe son temps, servilement, à  baiser les babouches de Tebboune.

Jean-Yves Duval, journaliste écrivain