Quand j’ai découvert à la télévision les images de la petite palestinienne de neuf ans, Lama Abou Jamous, outre un profond sentiment d’admiration pour son courage, son intelligence et sa sensibilité, je me suis trouvé plongé plusieurs décennies en arrière, lorsqu’à son âge j’improvisais  dans ma chambre des émissions radio, avec le rasoir de mon père en guise de micro. Mon avenir professionnel et ma passion du journalisme s’écrivaient à ce moment-là.

La vocation n’a pas d’âge et cette passion pour le métier de reporter ne m’a plus jamais quitté depuis lors, devenant successivement responsable du journal de ma MJC, puis rédacteur en chef du journal de l’université, stagiaire à OuestFrance et responsable de l’information d’une radio associée à ce grand journal, avant de diriger des sites d’actualité internationale.

Lama vit et couvre l’enfer de la guerre à Gaza, à seulement neuf ans. Pour ma part j’y ai été confronté beaucoup plus tard, lors de la première guerre du Golfe en Arabie Saoudite puis en Somalie, en Bosnie, en Albanie et au Kosovo. Comme elle, avec un gilet pare-balle et un casque. J’imagine qu’elle est souvent terrifiée, comme il m’est arrivé de l’être dans sniper allée à Sarajevo, mais que, tout comme moi, elle a oublié sa peur afin de recueillir dans son micro les paroles d’enfants de son âge qui vivent sous les bombardements aériens. Le besoin de témoigner reste le plus fort. La grande différence entre elle et moi est que j’étais un adulte et elle encore une petite fille, ce qui place sa démarche et son courage dans une autre dimension. En arpentant ainsi les ruines, au péril de sa vie, elle donne au monde une grande leçon, à un âge où on les apprend plus qu’on ne les administre.

Comment ne pas être fier d’exercer ce métier de journaliste quand on voit cette frêle silhouette si fragile arpenter les rues dévastées de sa ville, avec son casque Press  trop grand pour elle, pour raconter avec une lucidité incroyable sa vie, et celle des autres sous les bombes. A un moment donné, effectuant un reportage au Sud Liban, à la frontière avec Israel, je n’étais pas loin de cette bande de terre aujourd’hui meurtrie, après que des israéliens, dans leur kibboutz, aient été sauvagement assassinés par des terroristes du Hamas. Cette région qu’on appelait la Terre promise est devenue un enfer sur terre, le temps des miracles est passé et les espoirs de paix entre frères ennemis israéliens et palestiniens n’ont jamais été aussi éloignés. La vengeance et la haine sont trop prégnantes.

Demain, il  y a fort à parier que Lama deviendra correspondante pour la chaîne Al Jazeera ou d’un autre grand média du Proche-Orient et fera une brillante carrière de reporter car un jeune talent du journalisme est né, enfanté dans le bruit des chenilles des chars israéliens et le déchainement des tirs d’artillerie et de roquettes.

A l’heure où nous nous apprêtons à changer d’année, je veux souhaiter de tout cœur à Lama de survivre à ce déchainement de violence qui embrase le Proche-Orient, dont elle est une des nombreuses victimes innocentes. Elle a le devoir de rester en vie car elle deviendra sans aucun doute d’ici quelques années l’Albert Londres féminine palestinienne, avant qui sait, d’en recevoir le Prix à Paris. Bonne chance  Lama, protège-toi du mieux possible  et merci de faire briller aussi bien notre étoile commune, celle du journalisme.