Une célèbre locution verbale recommande de laver son linge sale en famille et de ne pas exhiber en public les différents et mésententes qui nourrissent, et pourrissent, la vie des personnes d’un même groupe à l’heure de la lecture du testament. Du moins chez les familles fortunées.
Mais qui sait aujourd’hui que cette expression remonte au XIXème siècle lorsque les femmes allaient laver leur linge au lavoir communal et en profitaient pour échanger les rumeurs et les derniers ragots qui bruissaient en ville. C’est la raison pour laquelle Honoré de Balzac dans son roman « Eugénie Grandet » avait expliqué que certaines histoires étaient trop sensibles pour être déballées en public et qu’au contraire ce « linge sale » ne devait se laver qu’en famille.
Les temps ont changé, et les lavoirs municipaux ont laissé la place aux réseaux sociaux et à la télévision pour colporter les commérages et autres médisances, comme on vient de le voir cette semaine à propos d’Alain Delon. Les uns les utilisent pour servir leur cause, comme son fils Anthony l’a fait cette semaine dans Paris Match et sur CNews, les autres, les lecteurs et les téléspectateurs pour se délecter de ce genre d’affaires aussi scandaleuse que nauséabonde. D’un côté il y a les exhibitionnistes, de l’autre les voyeuristes et au milieu un magot de trente millions d’euros. Chacun y trouve ainsi son compte.
Souvenons-nous aussi de l’affaire Liliane Bettencourt avec sa fille Françoise et le gigolo François Bannier, là aussi pour une affaire de gros sous. Cela a d’ailleurs plutôt bien réussi à Françoise Bettencourt Meyers, héritière de l’Oréal, qui est aujourd’hui la première femme à la tête d’une fortune de plus de cent milliards de dollars, tandis que sa mère est morte, à 94 ans, dans la nuit du 20 au 21 septembre 2017.
Plus récemment nous avons également eu droit aux turpitudes à ciel ouvert de la succession de Johnny Halliday, lorsqu’on a découvert qu’une clause juridique faisait de son épouse Laeticia sa seule héritière au détriment de ses enfants Laura et David.
A chaque fois le même scénario s’est reproduit et on a vu des clans, jusque-là soudés, se déchirer, s’étriper, s’écharper face à une opinion publique médusée, devant les micros et caméras des médias du monde entier. Sans aucune pudeur, sans respect de soi-même et vis-à-vis du défunt. Il est vrai que, là aussi, on parlait d’un héritage d’une centaine de millions d’euros, de quoi susciter bien des convoitises.
Chez les pauvres, on se contente de partager le service à café en porcelaine de la grand-mère, les paires de drap en coton, le buffet Henri II, la chambre à coucher en merisier, quelques ustensiles de cuisine, et le reliquat d’un PEL à la Caisse d’Epargne. Chez le notaire, les héritiers écouteront respectueusement l’officier ministériel leur attribuer ce qui leur revient, c’est-à-dire pas grand chose et en quittant l’étude continueront ils de s’aimer comme avant, conscients que l’argent ne fait pas tout dans la vie et que les vraies valeurs, qu’on a apprises, « à ces gens-là » se situent ailleurs.
Ces histoires de riches, de célébrités, dignes de nos lavoirs communaux, fascinent les gens, car le peuple a besoin de rêver et ces sommes, à faire tourner les têtes, leur donnent le vertige. Les mêmes, y compris de condition modeste, sont d’ailleurs prêts à débourser entre 100 et 400 euros le prix d’une place pour voir un match PSG – OM au Parc des Princes et admirer les dieux du stade, des stars du ballons ronds riches à milliards, roulant en Ferrari, se déplaçant en Jet privé pour aller à Marbella et habitant des villas à plusieurs dizaines de millions d’euros.
Déjà, du temps des Romains on assurait que pour rendre le peuple heureux il suffisait de lui fournir « des jeux et du pain », le distraire et le nourrir. Rien n’a changé, ou si peu, en vingt siècles !