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En voyant les évènements qui se déroulent actuellement sous nos yeux je me suis dit qu’entre les conquistadors de la tech (Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft) et les prédateurs de la politique (Donald Trump, Javier Milei, Jair Bolsonaro, Poutine, etc.) autant de libertariens, anarcho-capitalistes, il n’y avait que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. Ils jouent tous la même partition et sont mués par un désir commun de transgression. Sous l’Antiquité la politique était ce qu’il y a de plus noble lorsqu’elle consiste à gérer les affaires de la cité, hélas ce n’est plus guère le cas aujourd’hui, à l’exception de l’échelon communal, et comme les entrepreneurs d’Internet nos dirigeants actuels sont les dignes héritiers de César Borgia, qui était le modèle de Machiavel dans « Le Prince ». Résultat, nous évoluons de plus en plus dans un univers chaotique, violent dont la seule règle est l’action disruptive suscitant sidération de la part des peuples médusés par tous ces bouleversements planétaires.
Une des meilleures preuves de ce que j’avance vient de nous être fournie par le locataire du bureau ovale de la Maison Blanche, où, au-delà de son immixtion dans les affaires de l’Ukraine en vue d’un hypothétique règlement de paix avec la Russie, il vient d’annoncer des mesures de nature à bouleverser l’équilibre du commerce mondial. J’en veux pour preuve l’escalade tarifaire à laquelle on assiste, une véritable guerre des taxes susceptible de provoquer un embrasement général : + 25% pour les produits importés du Canada et du Mexique, + 25% sur l’acier et l’aluminium pour le monde entier ! L’administration Trump a ainsi dans le collimateur par moins de 17 000 produits pour les 166 pays membres de l’OMC (l’Organisation mondiale du commerce).
Du coup, le gouverneur de l’Ontario au Canada a augmenté de 25% le prix de l’électricité produite dans son Etat à destination des Etats-Unis. Trump, qui a vu rouge, a alors doublé la taxe pour l’Ontario à 50 %, ubuesque ! Et avec l’Europe les choses ne sont pas différentes, le président américain décochant une super taxe de 200 % sur les vins et spiritueux qui entraînera inévitablement, à titre de représailles, des taxes supplémentaires sur le bourbon, les Harley-Davidson ou encore les jeans. Une véritable folie ! Il est vrai que le même Trump a signé il y a quelques jours, le 20 mars, un décret sabordant le ministère de l’Education, montrant qu’on devait s’attendre à tout avec lui, même au pire. L’ancien président des Etats-Unis Abraham Lincoln (1861 à 1865) devait penser à lui lorsqu’il a déclaré : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ».
De ce yo-yo fiscal les prévisionnistes prévoient déjà une diminution de la croissance américaine, qui était estimée jusque-là à 2,3%, à 1,5%. Il y a également fort à parier qu’on assistera dans les mois à venir à une augmentation de l’inflation en Amérique, ce qui ne fera pas les affaires des plus modestes et parmi eux un grand nombre d’électeurs des couches les plus populaires qui ont voté républicain. Sa politique monétaire imprévisible liée à sa pensée paradoxale ébranle déjà la confiance dans le billet vert. Pour quelqu’un qui prétend redonner sa grandeur à l’Amérique ça commence mal. La mondialisation heureuse est derrière nous, et l’éventualité d’un krach planétaire devant nous. Ca va tanguer dur pour les économies au cours des mois prochains.
Chez nous, en France, une question existentielle se pose : Le 21ème siècle aura-t-il raison de nos grandes maisons de Cognac et d’Armagnac du XVIIIème ? C’est surtout l’inquiétude que l’on peut avoir. Déjà celles-ci avaient du essuyer une tempête voici trois ans, lorsque leurs deux principaux clients, la Chine et les Etats-Unis étaient entrés en récession, deux clients qui à eux seuls représentent quelques 50% de leur chiffre d’affaires. Que se passera-t-il pour ces fleurons de la viticulture française, mais aussi pour les vignobles bordelais, de Champagne et de Bourgogne si Trump vient à mettre sa menace à exécution en augmentant les droits de douane sur les alcools et spiritueux, jusqu’à 200 % ? Il flotte comme un parfum d’angoisse chez nos producteurs de grands vins et d’alcools car leur survie est en jeu.
A l’évidence personne n’a à gagner quoi que ce soit à ce bras de fer entre les Etats-Unis et le reste du monde, au contraire tous les pays, d’est en ouest et du nord au sud, ont à y perdre, mais le populiste délirant qui préside la plus grande nation du monde est-il prêt à entendre la voix de la raison et à suivre la voie de la sagesse, rien n’est moins sûr. On est loin de la fière devise de nos trois mousquetaires (qui en réalité était quatre) « Tous pour un et un pour tous« , Trump l’a revisitée à sa façon : « Chacun pour soi et Dieu pour tous », n’oubliant pas au passage cette exhortation familière outre-Atlantique « Et que Dieu sauve l’Amérique ! », sous entendu : Les autres, je m’en tamponne le coquillard.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain
PS. Le coup de Jarnac désigne un coup habile mais déloyal et pernicieux, imprévu. Dans son sens premier il s’agissait d’un coup d’escrime à l’arrière de la cuisse ou de genou, rendu célèbre par Guy Jabot de Jarnac qui le porte lors d’un duel devant le château de Saint-Germain-en-Laye, en 1547.

« Les Etats n’ont pas d’amis, seulement des intérêts » disait de Gaulle. La justesse de ce propos vient de nous être démontrée par Donald Trump, le Frankenstein narcissique président américain qui, au-delà de son attitude mercantile, a aussi volé à Ronald Reagan son célèbre slogan électoral « Make America Great Again ». Désormais nous voici avertis, nous n’avons plus rien à attendre des Etats-Unis qui viennent d’opérer brusquement un retournement d’alliances spectaculaire.
Trump a en effet rompu, de facto, avec l’ordre international qui gouvernait le monde depuis la seconde guerre mondiale. Il a rejoint le camp des despotes qui s’assoient allègrement sur l’égalité souveraine des Etats, les droits de l’homme et la démocratie libérale, des valeurs qui, hier encore, faisaient la fierté et l’originalité de l’occident. Le clash, le 28 février dans le bureau ovale de la Maison Blanche n’était qu’un avant-goût de ce qui nous attendait. Cet homme, comme son homologue, Vladimir Poutine, ne croit qu’au rapport de force, c’est d’ailleurs pour cela qu’il s’entend si bien avec le dictateur du Kremlin. Sans doute espère-t-il qu’en sacrifiant l’Ukraine il parviendra à casser l’entente cordiale entre Moscou et Pékin, ce qui ferait bien ses affaires en cas de conflit avec la Chine, à propos de Taïwan. Et s’il se trumpait ? Je doute d’ailleurs, chaque jour un peu plus, qu’il protégera l’île si celle-ci vient à être attaquée par l’armée populaire chinoise. Le Japon et la Corée du sud sont d’ailleurs très inquiets de cet isolationnisme américain, de cette alliance contre nature, ce mariage de la carpe et du lapin russo-américain, dont ils risquent, eux aussi, d’être les victimes.
S’agissant de l’Europe, son sort est déjà scellé avec sa menace de se retirer de l’OTAN et l’opinion qu’il a, que l’Union européenne a été fondée par des personnages pour « entuber » l’Amérique. Nous voici désormais livrés à nous-mêmes et nous devons nous préparer au scénario du pire. Un homme, en France, a eu le courage de comparer Donald Trump à « l’empereur incendiaire » Néron, flanqué d’un « bouffon sous kétamine », entendez par là Elon Musk. Il s’agit de Claude Malhuret,le sénateur de l’Allier. Ce clin d’œil historique nous rappelle qu’en 63 avant notre ère Rome était aussi en proie eux ambitions d’un patricien, déjà populiste, Catilina, qui tenta de renverser le pouvoir en place et n’hésita pas pour cela à s’allier avec les ennemis des romains, à savoir les gaulois, comme Trump le fait aujourd’hui en mangeant dans la main des russes.
En parlant directement, haut et fort, comme il l’a fait Malhuret avait des faux airs de Cicéron. A l’heure où tout le monde se couche, il est réconfortant de voir quelqu’un relever la tête.
En faisant imploser l’OTAN et l’occident, en trahissant ses alliés historiques, Trump réalise ce que tous les dirigeants russes depuis Staline ont rêvé en vain, donnant ainsi raison à Charles Péguy pour qui « le triomphe des démagogies est passager. Mais les ruines sont éternelles ». Dans ces conditions, force est de nous satisfaire d’un lot de consolation avec ce sondage réalisé aux USA qui nous apprend que 54% des électeurs pensent qu’Elon Musk nuit à son pays, et cette bonne nouvelle que le cours de l’action Tesla a été divisé par deux, que les ventes de sa voiture électrique chutent radicalement et que les actes de vandalisme dans les showroom de la marque se multiplient un peu partout dans le monde. Dans les périodes difficiles, faute de grives, on mange des merles.
Et tandis que Trump et Poutine, se partagent l’Ukraine, sur le dos du peuple ukrainien qui n’a pas voix au chapitre, pas plus que l’Europe d’ailleurs, (une humiliation supplémentaire pour la première puissance économique mondiale) on peut assister à ce dialogue surréaliste : A moi la centrale nucléaire de Zaporijjia, à toi les oblasts de l’Est, à moi les terres rares, à toi la Crimée, etc. le trumpo-poutiniste ne cache pas sa prochaine victime, le Groenland, territoire Danois, allié de l’OTAN, pour en faire le 51ème Etat américain. Sans oublier sa menace de s’emparer par la force du canal de Panama et son ambition d’annexer le Canada ! On assiste à un retour à l’esprit de conquête d’une puissance expansionniste, la loi du plus fort l’emportant sur la voix de la diplomatie.
Le chasseur d’ours Poutine a tendu son piège et est en voie de retourner à son avantage les propositions de paix du golfeur Donald Trump, sa stratégie pour étendre sa zone d’influence dans l’Est de l’Europe et reconstituer les défunts empires tsaristes et soviétiques, malgré une économie Potemkine, est en passe de réussir. Entre les deux mafieux, Trump qui étale ses cartes et Poutine qui cache bien son jeu, apparaissent sous nos yeux les contours d’un nouveau Yalta, au détriment de la démocratie et peut-être demain de la liberté des peuples, européens que les deux hommes méprisent souverainement.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain

Il y a en littérature un style d’écriture qu’on appelle uchronie, qui est une fiction écrite à partir d’un fait historique et présente une version alternative de l’histoire, une réécriture historique. J’y ai recouru moi-même en écrivant « Adolf H », le récit d’un projet d’assassinat de Hitler en France par les services du 2ème Bureau. A la base il y un fait avéré, une réalité, l’idée d’un attentat contre la personne du Führer imaginée par le colonel Rivière à l’occasion du déplacement à Paris du chancelier allemand, sauf que Daladier, qui était le président du conseil à l’époque s’est opposé à sa réalisation, au prétexte qu’on « ne tue pas un chef d’Etat ». La thèse de mon roman est, qu’au contraire, celui-ci ait donné son aval ce qui aurait changé la face du monde.
En voyant les évènements récents à propos de la guerre en Ukraine et de son évolution depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, avec un revirement de la politique américaine et un renversement des alliances, je me suis alors souvenu du livre de Philip Roth « Le complot contre l’Amérique ». Dans cet ouvrage, remarquable, le grand romancier américain imagine que lors de l’élection présidentielle américaine de 1940, le célèbre aviateur Charles Lindberg ait battu le président Delano Roosevelt, ce qui, si cela s’était réellement produit, aurait également modifié le cours de l’histoire.
En effet, ce grand aviateur, qu’on surnommait « l’Aigle », était un fervent admirateur de l’armée allemande et fût même décoré par Goering en 1938, il se montra aussi un partisan farouche de la neutralité américaine au début de la guerre. Comme Trump aujourd’hui, Lindberg était également républicain et avait été candidat au poste de gouverneur du Minnesota mais il est surtout connu pour avoir effectué le premier vol direct de l’histoire Paris- New-York, sans escale et en solitaire, le 21 mai 1927 sur le Spirit of Saint-Louis. Mais au-delà de cet exploit, Philipe Roth s’est inspiré de la personnalité de Lindberg car l’aviateur était connu pour défendre des idées isolationnistes et être le porte parole du comité « America First », ce qui n’est pas sans nous rappeler un slogan très en vogue actuellement outre-Atlantique. Lindberg était aussi connu pour avoir prononcé à Des Moines, en 1941, un discours radiophonique dans lequel il accusait « les juifs américains de manipuler les médias et le gouvernement » dans le but d’entreprendre une guerre inutile contre l’Allemagne nazie. Un discours dans lequel on sentait poindre quelques relents d’antisémitisme. Dans le roman le 33ème président des Etats-Unis signe donc un pacte de non agression avec Hitler, comme celui-ci le fera réellement avec Staline.
Pour ceux qui s’intéressent à l’actualité qui fait l’histoire je recommande vivement la lecture de « Complot contre l’Amérique » de Philippe Roth publié voici vingt ans et étrangement actuel.
Pour ma part si je devais écrire une uchronie à propos de l’arrivée de Donald Trump dans le bureau ovale et ses étranges, et coupables, relations avec Vladimir Poutine, il me faudrait choisir entre deux angles d’attaque, soit le côté mafieux des deux hommes qui pourrait expliquer leur complicité, soit sa manipulation par le FSB. Dans ce dernier cas je m’attacherai à démontrer comment il est devenu le jouet du tsar du Kremlin par le biais d’un kompromat dont les russes sont si friands pour manipuler leurs proies et les faire chanter. Beaucoup s’inquiètent en effet de ses étranges et inquiétantes connivences avec le dictateur russe, et sans tomber dans le complotisme, l’idée qu’il aurait pu être recruté par le KGB, sous le nom de « Krasnov », (qui signifie « rouge ») au cours des années 1980, lors de ses voyages à Moscou, dans le cadre de ses activités immobilières, fait son chemin dans l’esprit de beaucoup d’observateurs. Il faudrait d’ailleurs plutôt parler « d’un pion potentiel », que d’un agent. Quand on connaît l’appétence du « guerrier solitaire » comme il s’est lui-même surnommé, pour la gente féminine rien n’aurait été plus facile de le faire tomber dans les filets, en l’occurrence les bas de soie d’une « hirondelle », comme on a baptisé les officières féminines du KGB chargées de recruter des personnalités étrangères. Cela aurait été d’autant plus facile qu’outre l’impérialisme, plusieurs traits de la culture russe fascinent depuis longtemps l’occupant de la Maison Blanche en particulier la force et l’idée d’un grand Etat, d’où son désir d’annexer le Canada et le Groënland comme Vladimir l’a fait avec la Crimée et tenté de récidiver avec l’Ukraine. Alors peut-être demain un « Russiagate » comme il y eut en son temps un « Irangate » sous l’administration Reagan, ou un « Watergate » au temps de Richard Nixon.
Ce ne serait pas la première fois au demeurant que les russes, ex-soviétiques, auraient compromis des personnalités de haut niveau, à l’exemple de Günter Guillaume, secrétaire particulier de Willy Brandt, alors chancelier d’Allemagne, en 1974. Déjà, dix ans plus tôt l’ambassadeur de France à Moscou, Maurice Dejean, avait dû rendre son tablier au Quai d’Orsay après avoir été pris la main dans la petite culotte d’une jolie poupée russe. Reçu par de Gaulle à l’Elysée, qui lui signifia sa mise à la retraite anticipée, il s’entendit dire par le général, qui ne plaisantait pas trop avec les frivolités sexuelles : « Alors, Dejean, on couche ? ».
Peut-être que demain, lors d’une conférence de presse un journaliste prenant son courage à deux mains osera poser la question qui fâche à Donald Trump : « Alors, monsieur le Président, on a couché ? ».
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain.
