Je ne sais par pour vous, mais en ce qui me concerne certains chiffres et certaines informations me donnent le tournis. Rien que de penser que la forêt amazonienne est détruite au rythme de cent quarante-huit hectares par heure, soit l’équivalent au Brésil d’un million de terrains de foot chaque année, j’en frémis. A titre indicatif, 148 ha c’est la superficie de Central Park à New-York divisée par trois, c’est comme si le poumon vert de la ville la plus peuplée des Etats-Unis s’envolait en fumée dans une seule matinée. Mais il n’y a pas que cela.
Lorsqu’on évoque le poids économique des fameux GAFA, ces gigantesques entreprises américaines du numérique, de quoi s’agit-il ? A eux seuls, Google, Apple, (le groupe le plus puissant du monde, Microsoft étant le troisième), Facebook et Amazon cumulent une capitalisation boursière de six mille milliards (6 000) de dollars. Accessoirement, deux fois la dette d’un pays comme la France, sauf que pour eux c’est positif tandis que nous négatif. Savez-vous par exemple qu’en 2020, à la faveur du Covid, ces sociétés ont réalisé un chiffre d’affaires équivalent au PIB des Pays-Bas, qui n’est pas le Burundi ou la Centrafrique, c’est le 17ème pays le plus puissant de la Terre ! Ensemble elles forment la troisième puissance mondiale, juste après les Etats-Unis et la Chine ! Stupéfiant, comme dirait Pierre Palmade !
Plus grave encore est leur influence, qui dépasse celle de n’importe quel Etat, n’importe quel parti politique, n’importe quel leader d’opinion. Elles peuvent faire et défaire les réputations d’un seul claquement de doigt sur la souris ou le clavier d’un ordinateur. Et grâce à leurs robots la rumeur se répand sur la toile en quelques heures, merci la fibre optique et les réseaux sociaux. Ce sont les nouveaux maîtres du monde ! A côté d’eux, Emmanuel Macron, président de la République française, est un nain.
Les romains ont inventé l’expression « du pain et des jeux », les GAFA eux, ont repris à leur compte celle de « l’opium du peuple » en fournissant à des milliards d’êtres humains des informations, plus ou moins vraies, certaines même malveillantes, des jeux-vidéo, des applis de loisirs, etc. Savez-vous que Netflix réalise le chiffre d’affaire publicitaire annuel de TF1 en moins d’une semaine ? Les chaînes de télévision ne pèsent plus rien face aux plates formes des géants du numérique et de l’informatique.
Pourquoi, comment est-ce possible, vous demandez-vous, réfléchissez un instant. Quand les romains ont inventé les jeux du cirque c’était pour distraire le peuple afin de mieux l’assouvir. Quoi de plus drôle que de donner à bouffer aux lions un esclave chrétien, je vous le demande. Nous n’avons rien inventé. Aujourd’hui, de même que sous César ou Néron, les intérêts des nations imposent de préserver ces acteurs majeurs que sont les GAFA qui garantissent la paix civile et fournissent l’opium et les jeux aux peuples qui en ont besoin. Imaginez un seul instant ce que feraient les parents du monde entier s’ils ne pouvaient pas abandonner leurs enfants douze heures par jour devant leurs écrans ? Certains recouraient déjà à des cachets de Valium, alors, à choisir …
Des jeux vidéos stupides, souvent violents, des séries atterrantes, des heures de chat débilitantes sur Instagram, Snapchat ou Tik Tok, voilà la nourriture intellectuelle et spirituelle que réclame le monde aujourd’hui et que Facebook et consorts leur fournissent complaisamment. Ces entreprises sont précieuses pour tous les gouvernants de la planète car elles participent à l’abrutissement des individus. Pendant ce temps-là, ils ne protestent pas, ne manifestent pas, ne défilent pas dans la rue, ils sont comme anesthésiés, les yeux rivés sur leurs écrans de téléphone et de télévision, et permettent aux dirigeants du monde d’asseoir leur pouvoir et leur autorité. Ainsi s’explique la puissance des GAFA et la raison pour laquelle personne ne songerait à s’attaquer à eux, à légiférer contre eux. Et je ne parle pas, dans ce cocktail explosif d’aliénation des foules de l’alcool, du cannabis et autres produits stupéfiants qui ont le même effet abrutissant et aliénant.
J’espère que je ne vous ai pas démoralisé car je m’aperçois que dans cette énumération des monstres informatiques tentaculaires, j’ai oublié de vous parler des NATU … Ah, je vois vous n’êtes pas à la page, ce sigle correspond à Netflix, Airbnb, Tesla, propriété d’Elon Musk, l’un des deux hommes les plus riches du monde, derrière Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, qui avec ses fusés SpaceX a renvoyé la NASA à l’âge de pierre, Elon Musk qui a aussi mis en orbite une constellation de satellites Starlink et racheté le réseau social X, ex-Twitter. Et enfin, Uber. Toutes ces sociétés américaines ont en commun d’avoir leurs sièges, leurs laboratoires et leurs usines dans la Silicon Valley, dans la banlieue de la mégalopole Los Angeles, paradis des start-up de la Tech.
Avec sa Guerre des mondes, H.G Wells nous avait donné un aperçu ce que l’avenir nous réservait, mais il était loin de la réalité car il ne pouvait imaginer la voracité, et la dimension qu’aurait un jour ces empereurs des puces électroniques et des circuits imprimés. Comment aurait-il pu penser que les plateformes de streaming se substitueraient aux miettes de céréales et aux fauves assoiffés de sang des arènes de Rome ? Avec 1984 le visionnaire et prophétique George Orwell nous décrivait, en 1948, un monde terrifiant, se doutait-il qu’un siècle plus tard des sociétés du numérique étendraient leur emprise totalitaire, grâce au virtuel, sur l’espèce humaine ? Comment Aldous Huxley, auteur du Meilleur des mondes, qui avait imaginé la civilisation du future, où le bonheur était loi et les sentiments bannis, aurait-il pu croire qu’en 2024 vivre sans Google, sans Internet, reviendrait à courir le cent mètres avec une jambe en moins ? Cette même société Google qui de « l’homme augmenté », grâce à l’intelligence artificielle, met actuellement au point dans ses laboratoires californiens un programme révolutionnaire : « la transhumanité », cet homme nouveau, immortel, dont rêvaient ceux qui voulaient construire un Reich pour mille ans ? Avec X Development, son centre de recherche ultrasecret, Google ambitionne rien de moins que « tuer la mort ».
Et, si avec les GAFA et les NATU, nous avions enfanté des aliens ?
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain