Nous vivons quand même une époque curieuse. Songez que des gendarmeries ne paient même pas les loyers de leurs casernes, propriétés des collectivités locales.  Aurait-on jamais imaginé pareille situation qui voit nos braves pandores victimes d’un mauvais vaudeville ? Aurait-on pu également deviner, qu’en l’espace de quelques mois, le trou colossal de la dette connaîtrait  une aggravation de quelques 50 milliards d’euros ayant pour conséquence un déficit de 6,1 % du PIB, au lieu des 4,4% annoncés en fin d’année par Bercy ? Le sémillant ex-ministre de l’économie, Bruno Le Maire, aurait mieux fait de surveiller davantage les comptes publics plutôt que d’écrire, nuitamment, sur les bords de la Seine, des livres érotiques.

L’union, Sait-Orens, Montastruc, Fenouillet, Verfeuil, Laugnanet, ces différentes communes, et quelques 39 autres de Haute-Garonne, ont en commun de ne plus percevoir du Trésor Public le paiement des loyers (1,1 million d’euros) qui leur sont légitimement dus par la gendarmerie nationale. Et ce phénomène n’existe pas seulement dans le département, mais un peu partout dans l’Hexagone, comme on l’a vu aussi pour 26 gendarmeries des Pyrénées-Orientales, à l’image de Cabestany. Les communes en question ont reçu un mail du Trésor public les informant de « la suspension jusqu’à nouvel ordre du paiement de l’ensemble des loyers dus pour l’occupation des casernes pour des motifs de disponibilité de crédits alloués au programme 152, au titre de l’exécution budgétaire 2024 »On croit rêver ! Imaginons que demain tous les locataires de France et de Navarre adressent le courrier suivant à leur propriétaire :

« Cher monsieur, en raison de l’augmentation du coût de la vie (alimentation, énergie, transports, assurances, mutuelles de santé, j’en passe et des meilleurs ) vous comprendrez qu’il m’est impossible de vous régler mon loyer ce mois-ci. Comme d’ailleurs la gendarmerie de ma commune, qui ne paie plus le sien à la mairie pour des motifs budgétaires et d’une insuffisance de crédits imputée aux derniers Jeux Olympiques de Paris et au redéploiement de gendarmes en Nouvelle Calédonie.  Croyez bien que j’en suis sincèrement désolé. Veuillez croire à mes sentiments républicains. Robin des bois. 

P.S : Au cas où vous seriez tenté de recouvrer le paiement de cette somme, voire me faire expulser, en saisissant le tribunal, je doute que la force publique,  la gendarmerie, en l’occurrence, puisse exécuter une décision de justice, vu qu’il serait mal venu, juridiquement et moralement, que des gendarmes « débiteurs » soient le bras armé de « créanciers, que de leur côté ils ignorent. Toutefois, ne voulant pas me mettre hors-la-loi,  jinformerai l’huissier, qui ne manquera pas d’être dépêché à mon domicile, que je déposerai le montant de mon loyer sur un compte bancaire et celui-ci sera débloqué le jour où les gendarmes s’acquitteront de leur dû, ainsi vous ne serez pas lésé car vous n’avez pas à souffrir de la hausse du coût de l’électricité et du prix de l’huile, ou du steak haché. Vous comprendrez que je ne cherche pas d’excuses, contrairement à l’Etat, mais du fait que celui-ci ne respecte pas ses obligations, il met en difficultés les finances municipales,  ce qui va retarder la mise en chantier de la future école communale, où mon enfant devait être scolarisé« .

Bien sûr, il n’appartient à personne de se faire justice lui-même,  on aura compris que ce clin d’œil ironique a seulement pour effet d’attirer l’attention sur l’incongruité d’une telle situation.  Comment demander à des gendarmes de sanctionner de mauvais débiteurs quand eux mêmes le sont ? La justice étant égale pour tous, qui pourrait les contraindre « eux » , défaillants, de s’acquitter de leur dette et  que dire face à l’impuissance de ces maires ? Enfin, pour les contribuables qui paient leurs taxes d’habitation à leur mairie, afin précisément de lui permettre de pouvoir faire face aux investissements en matière d’équipements publics,  comment admettre que les finances communales puissent être mises en péril parce qu’une administration « d’Etat » se montre négligente ? On répète sans cesse que « l’exemple doit venir d’en haut », ici comme ailleurs on attend, mais comme sœur Anne on ne voit rien venir !

Quant au dérapage des finances publiques de quelques cinquante milliards d’euros en l’espace de six mois, nous attendons une explication et espérons que la commission d’enquête parlementaire nous permettra d’y voir clair dans cette opacité comptable, et fera la lumière sur les responsabilités des uns ou des autres. Car 50 milliards, ce n’est pas une paille, ça fait un sacré trou dans le portefeuille et ça ne s’envole pas comme un billet de dix euros. Heureusement que les ménages français sont plus rigoureux dans leur gestion familiale que  les experts de Bercy ne le sont avec l’argent des contribuables.

Oui, nous vivons une curieuse époque. Au point, qu’on ne fait plus le distinguo entre rigueur et austérité, qu’un hebdo vaut le même prix qu’un McDo, et qu’un ouvrier n’a même plus les moyens de lire L’Humanité. Décidemment tout f… le camp !