La préparation d’un budget n’a jamais été un exercice facile sous la 5ème République, mais cette fois-ci c’est pire que jamais. En cause notre endettement colossal et les dérapages non maîtrisés par Bercy. Alors, nos technocrates, issus de l’inspection des finances, planchent et transpirent, retournent le problème dans tous les sens avec leur calculette et leur règle de 3, afin de soumettre au parlement une projection comptable et fiscale à peu près bancale pour 2025 qui engagera le proche avenir des contribuables français.

Et comme si les « performances » de nos virtuoses des chiffres ne suffisaient pas, viennent se rajouter aujourd’hui les « prouesses » des députés qui rivalisent d’ingéniosité du Rassemblement national a La France Insoumise en passant par Renaissance, etc. et cela nous donne un florilège de propositions ubuesques, comme ce projet de taxe pour les propriétaires de chiens. L’auteur de cette idée pharamineuse n’a pas beaucoup de mérite. Fort de l’idée que tout est un perpétuel recommencement, il s’est souvenu qu’une telle loi a existé de 1855, à l’époque de Napoléon III (à l’époque elle visait à lutter contre la rage) jusqu’à 1971. Il est vrai qu’aujourd’hui la rage a disparu, seuls subsistent les enragés et les insoumis.  Outre-Rhin, avec cet impôt, appelé Hundestuer, le fisc allemand engrange environ 421 millions de recettes chaque année, de quoi donner des idées à quelques-uns, ici dans l’Hexagone. Certains évoquent déjà un montant possible de 100 euros par animal  ! Sur quels critères celle-ci serait-elle calculée, personne ne le sait. On peut imaginer que cela soit en fonction de l’âge ou du poids de l’animal, de sa race, de la couleur de ses poils, de son origine étrangère (Setter irlandais, Epagneul breton, Berger allemand, Scottish, Bouvier des Flandres, etc.) Allez savoir !  Mais j’y pense, pourquoi ne taxerait-on pas également les propriétaires de chats, de perroquets et perruches, de hamsters et tortues, ou encore de vipères à cornes et de poissons rouges ? Une pétition en ligne s’opposant à une telle mesure à déjà réuni plusieurs dizaines de milliers de signatures. Il est vrai qu’en France, plus qu’ailleurs, le ridicule ne tue pas. Une chance, car beaucoup seraient déjà morts.

Plus sérieusement, certains amendements pourraient prévoir, (d’après une idée de l’Institut Montaigne), une augmentation de la TVA, actuellement de 5,5% , à 20% sur les aliments sucrés. Qu’on se rassure, l’Etat obèse ne sanctionnera pas le consommateur, déjà amaigri par les différentes ponctions fiscales, il préservera sa santé. Un patient qui meurt c’est un contribuable de moins. Raison pour laquelle, il évoque une décision de santé publique et non, bien sûr, de mauvaise santé financière du pays. Le bon médecin que voilà, qui se soucie de l’état de santé des autres au détriment de la sienne ! Il oublie que si les français adorent les sucreries, les petites douceurs, c’est pour mieux supporter les aigreurs de sa politique et l’acidité de ses réformes. Il serait intéressant d’évaluer l’augmentation des ulcères et des cancers d’estomac qui a fait suite à la réforme des retraites. Mais là, curieusement, on ne parle plus de problème de santé publique, motus et bouche cousue, et pourtant ce ne sont pas les comités Théodule qui manquent dans notre pays. En voilà une bonne idée : qu’attend-t-on pour lancer une vaste enquête sur les conséquences physiques et mentales sur la population, consécutives aux agissements erratiques de nos gouvernants depuis des décennies ? Combien de troubles intestinaux, de maladie de foie, d’estomac, de la rate et j’en passe, aurait-on pu éviter par des politiques plus judicieuses, moins dispendieuses, et plus respectueuses de l’intérêt général ?

Et est-ce encore pour une question de santé publique que le gouvernement a déposé le week-end dernier un amendement prévoyant d’autoriser les casinos en ligne ? Comme c’est étrange. Les addictologues pensent, eux, de leur côté, qu’une telle mesure serait dangereuse. Il est vrai que l’interdiction de ces casinos sur Internet prive l’Etat d’un manque à gagner de l’ordre de 1,2 à 1,5 milliard d’euros annuel (source : Autorité nationale des jeux). C’est oublier cependant que les jeux en ligne développent une addiction en raison de la fréquence élevée des mises, de la rapidité des résultats, des prises de risque solitaires, etc. en particulier chez les jeunes.

Résumons-nous, d’un côté l’Etat nous prive de sucreries et de l’autre nous gâte en nous incitant à jouer de l’argent en ligne, dans les deux cas au nom de la santé publique ! Mens sana in coropore sano, c’est à y perdre son latin de cuisine. Molière se serait exclamé : « Quel étrange docteur Diafoirus, que voilà ! »

Et puisque nos pouvoirs publics manquent à ce point d’argent et d’idées, je leur suggérerai l’amendement suivant pour le projet de budget 2025. Qu’on veuille bien y voir là une modeste contribution citoyenne.

 » La France comptant, selon le dernier recensement, quelques 3 000 points de deal procurant aux réseaux mafieux  5 milliards d’euros par an, il est institué une taxe de 90% sur les transactions. Le montant de ces sommes,  soit 4, 5 milliards d’euros, sera recouvré par les unités des la CRS 8 spécialisées dans le narco trafic et la lutte contre les violences urbaines. Les chèques, virements et versements en espèces sont acceptés ».

Il va de soi, que je ne réclame aucun droit d’auteur (sic).

Jean-Yves Duval, journaliste écrivain