Des dizaines de mairies incendiées, des milliers de commerces pillés, des centaines de voitures et de bus brûlés, des dizaines de commissariats en état de siège, des distributeurs de billets tronçonnés, et au final plus de trois mille émeutiers déférés devant les tribunaux et des dizaines de blessés dans les deux camps. Tel est le triste et tragique bilan de quatre nuits d’émeutes vécues par la France qui apparaissent comme autant de doigts d’honneur à quarante ans de politiques publiques de la ville.
Tout est parti de la mort, lors d’un banal contrôle routier, de Nahel, un jeune de dix-sept ans habitant Nanterre et au casier judiciaire déjà lourdement chargé. Immédiatement connu ce fait-divers tragique à embrasé les quartiers et les centres-villes durant plusieurs nuits d’émeutes urbaines où se caractérisait la présence de très jeunes protestataires, treize, quatorze, quinze ou seize ans ! La deuxième caractéristique est que les émeutiers sont dans leur immense majorité issus des banlieues et sont les descendants de la troisième ou quatrième génération d’immigrés suite aux diverses indépendances de l’Algérie et de nos colonies d’Afrique de l’Ouest. Or, on n’a jamais autant fait qu’aujourd’hui le procès du colonialisme français, en particulier au Mali, au Burkina Faso ou en Centre Afrique sous l’influence russe et des mercenaires de Wagner. La coïncidence est pour le moins étrange. La dernière caractéristique est, au-delà des destructions d’édifices publics et de matériels urbains, l’incendie d’immeubles, de commerces, de bus municipaux, on a aussi pillé les bijouteries, magasins d’informatique, de sports, etc. On s’en est pris autant aux symboles de la République qu’à ceux de la société de consommation ne se privant pas au passage de faire main basse sur des produits de luxe et des vêtements de marque. On a aussi, pour faire bonne mesure, dévalisé et détruit des enseignes alimentaires de proximité au risque de pénaliser les populations de ces quartiers dans leur vie quotidienne. On s’en est pris enfin aux maires, qui incarnent un lien de proximité, le service et le dévouement auprès des populations. C’est dire le vent de folie qui a défrayé sur l’Hexagone, en proie à des hordes de barbares sorties de leurs ghettos.
Hier, c’était un scénario de fiction, aujourd’hui c’est devenu réalité.
Au cours de ces derniers jours chacun y est allé de sa propre explication sur les raisons de tels évènements : échec des politiques publiques de la ville depuis quarante ans, de Bernard Tapie à Jean-Louis Borloo, Michel Delebarre et consorts, violences policières, racisme dans les banlieues avec des contrôles au faciès, désengagement des services de l’Etat au motif d’« éviter toute vague », chômage et désœuvrement dans les cités, abdication des parents dans l’éducation de leurs enfants. On a vu cependant des mères appeler au calme et un père de famille prendre par les oreilles son gamin présent parmi les manifestants et l’enfermer dans le coffre de sa voiture, ce qui lui a peut-être évité d’être « coffré » par la police un peu plus tard.
Tout cela est vrai mais insuffisant et parmi les différents facteurs qui peuvent expliquer ces tirs de mortiers, ces jets de fusées et de cocktail-molotov, ces destructions et ces pillages, il y aussi dans notre société depuis quelques années une montée des incivilités et de la violence quotidienne qui va crescendo. Une violence entretenue notamment par certains jeux vidéo comme Paris Riots qui a vu le jour peu après les violentes émeutes de novembre 2005. Les mômes dit-on raffolent de ces jeux entre les cités ou l’on assiste à une surenchère entre les bandes et une absence totale des règles républicaines, éducatives, morales ou religieuses. Ces jeux vidéo ont décomplexifié les adolescents par rapport à la violence en la banalisant, voire la normalisant. L’engouement pour les rodéos urbains qui sont à l’origine de plusieurs morts chaque année en est une parfaite illustraetion. Aujourd’hui on a fait de la brutalité un principe ludique. Certains jeux vidéo ont littéralement intoxiqué des adolescent en rupture avec leur univers familial et la société, des images virales créant un effet d’entraînement. On connaît même certains jeunes qui sont affectés de troubles psychologiques parce qu’ils ont une addiction aux jeux vidéo. Alors quand ceux-ci prônent la violence comme GTA ou Call of Duty comment s’étonner de ce à quoi on assiste aujourd’hui.
Oui de nombreux jeunes confondent la réalité et le virtuel et sont totalement déconnectés du réel. Qu’à la suite de la mort de Nahel il y ait eu chez beaucoup d’entre eux un sentiment de colère et de révolte est compréhensible, ce qui l’est moins c’est que certaines personnes, surfant sur le choc du deuil, ont instrumentalisé ces sentiments dans un but de récupération politique. Sans oublier des « grands frères » de ces ghettos qui ont commandité des pillages de magasins en toute impunité, se servant de gamins de treize ou quatorze ans comme des boucliers et les utilisant comme ils le font dans les cités lors de leurs trafics de drogue.
Des experts en tout genre, des sociologues, des psychologues, sans parler des hommes politiques vont dans les jours à venir apporter leur contribution en tentant d’expliquer de telles dérives dans notre société. C’est leur rôle, celui à nous aussi journalistes de rapporter factuellement les évènements dramatiques qui embrasent le pays et à nous éditorialistes de tenter une analyse et d’ouvrir des pistes de réflexion. Et nous ne serons pas de trop car si des solutions efficaces ne sont pas rapidement trouvées il est à craindre qu’à l’avenir ce ne soit plus des fusées de feu d’artifice qui seront tirées par les émeutiers mais des balles de kalachnikov dont les caves de certaines citées regorgent.