En ces temps de froidure un des plus grands scandales de notre société est de laisser mourir de froid, dans la rue, des sans-abris, au seul prétexte qu’ils ne cochent aucune case pour prétendre bénéficier des aides sociales. Comment, au 21ème siècle, peut-on accepter le sort de ces malheureux, nos compatriotes, sans parvenir, depuis des décennies, à trouver une solution décente à la misère et à la solitude qui est la leur ? Que sont devenues les belles promesses d’enrayer ce fléau ? Là encore, les mots s’envolent et les actes restent inexistants.

La France dépense des dizaines de millions, voire des centaines de millions d’euros pour toutes sortes de choses dont on pourrait souvent contester le bien-fondé et néglige ces sans-abris. La France, pays d’accueil, reçoit sur son sol chaque année des milliers d’immigrés qu’elle nourrit, soigne et qu’elle loge et c’est tout à son honneur. Comment, dans le même temps, peut-elle accepter l’extrême précarité de ces hommes et de ces femmes qui n’ont souvent qu’un chien comme seul compagnon pour affronter les températures polaires hivernales et les protéger d’éventuels agresseurs ? Le premier devoir de nos gouvernants n’est-il pas de protéger ses ressortissants ? Qu’ont-ils fait de ce devoir qui figure en bonne place dans notre constitution ?

Certes, ces miséreux, dont le toit est souvent fait d’un simple emballage de carton et de sacs de plastique, peuvent compter sur la solidarité nationale grâce aux maraudes effectuées par la Croix Rouge, les pompiers, le Secours populaire et le Secours catholique, quand ce n’est pas l’Armée du Salut. Mais est-ce là suffisant, satisfaisant ? Certes, non ! C’est vrai que ces hommes et ces femmes, pour la plupart, ne sont pas des électeurs, et donc de peu d’intérêt sur le plan politique. Ce ne sont pas davantage des consommateurs donc inintéressants sur le plan économique.  Leur nombre serait d’ailleurs insuffisant pour faire pencher le poids de la balance le jour du vote. N’a-t-on jamais vu, depuis la période de La Fronde au XVIIème siècle, ou les révoltes ouvrières du 19ème siècle, et à l’exception des « gilets jaunes » lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, des pauvres se constituer en lobby et menacer le pouvoir, quel qu’il soit ? Dans ce pays seuls les lycéens-étudiants et les agriculteurs font peur à nos dirigeants. Cela explique en grande partie l’indifférence des pouvoirs publics à leur égard, de même que leur mort les laisse indifférents.

Face à cela, j’ai presque honte de me plaindre lorsque dans l’appartement où je réside la température oscille entre 15 et 17°. Je le fais seulement pour montrer du doigt le rôle de certains syndics peu soucieux de la santé des occupants, à défaut de leur confort, pour des logements dont ils ont la charge, alors même selon le code civil qu’ils ont un devoir « de bon père de famille ». Curieux père de famille que voilà car malgré des mails à répétition ces mêmes gestionnaires restent sourds aux protestations, attendant sans doute que de guerre lasse les gens se découragent.

Il y quelques jours on apprenait que les détenus de certains centres pénitentiaires s’étaient révoltés jugeant que leurs cellules étaient insuffisamment chauffées (quinze degrés), devons-nous donc être traités comme des prisonniers de droit commun ? De quelle infraction sommes-nous coupables ? Il y a dans nos immeubles des personnes âgées, fragiles, des enfants en bas-âge, etc. de quel droit nous inflige-t-on une double peine, à savoir une augmentation des charges d’électricité liées au chauffage collectif et individuel, et une réduction drastique des températures ?

Dans un bon polar, les enquêteurs posent toujours la question : « A qui profite le crime » ? Entre le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement (gain supposé entre 30/40 000 euros ) et les économies  EDF  réalisées (de l’ordre de 30%) au détriment d’un minimum de confort des occupants, ou passe bénéfice  ?

Entre le sort des sans-abris et ceux d’occupants d’appartements mal chauffés les deux situations sont incomparables. Un seul point commun les relie, l’insouciance avec laquelle les pouvoirs publics comme certains gestionnaires privés traitent les citoyens et les gens que nous sommes. L’insouciance ou l’incompétence, voire les deux à la fois, dans les deux cas cette forme de mépris est inqualifiable. Comment s’étonner après cela que mon clavier d’ordinateur tire à boulets rouges.