J’ai souhaité donner à ma chronique de cette semaine un ton un peu différent du fait de l’atmosphère délétère qui règne actuellement dans le monde et en France, entre climat de guerre Iran/Israël et faits divers tragiques dans nos cités. J’ai tout simplement eu envie de partager avec vous quelques réflexions sur mon activité de romancier, qui découle de ma passion depuis toujours de la lecture et de mon admiration pour les grands écrivains.
Je travaille aujourd’hui à la parution de mon quatorzième ouvrage (biographie, romans historiques, thrillers, livres de géo-politique, etc.), après avoir également écrit comme « écrivain fantôme » plusieurs autres livres, que je lèguerai comme autant de dignes rejetons, de préférence à la Maison de la culture d’un petit village rural. Si avoir des enfants c’est vouloir se survivre à soi-même, alors nul doute que je prolongerai mon existence grâce cette modeste contribution appelée elle aussi un jour à se transformer en poussière. Mais là, en vérité, n’est pas mon objectif, n’étant pas d’une nature narcissique. Ecrire, comme je le fais depuis près de vingt-cinq ans, est avant tout une aventure solitaire qui prolonge, par la fiction, ce que j’ai vécu, sur le terrain, durant plus d’une dizaine d’années en réalisant des reportages à travers le monde (Afrique, Moyen-Orient, Amérique, Asie, etc.). La réalité d’hier à cédé la place à la virtualité d’aujourd’hui, et j’y trouve là, plus qu’une complémentarité, un véritable équilibre de vie.
Ecrire des fictions, c’est effectuer des voyages dans l’espace et dans le temps, en restant chez soi, claquemuré dans son bureau, isolé de tout et de tous pendant plusieurs mois. Des mois durant à effectuer des recherches, et à écrire, dans une solitude quasi cistercienne. On comprendra dans ces conditions que je n’ai pas souffert du confinement lors de la période du Covid 19, et en cela aussi je suis reconnaissant à l’écriture, car cela n’a pas été le cas de beaucoup de personnes.
Ecrire des fictions, c’est façonner des personnages, leur imaginer une identité, « une légende », comme pour les agents de renseignements (j’ai d’ailleurs écrit plusieurs romans d’espionnage), c’est créer des situations, des intrigues, des lieux à partir desquels ils vont s’animer durant plus de deux cents pages. Ce qui suppose d’imaginer une histoire, un récit à raconter, une storytelling comme disent les anglo-saxons. Il y a l’idée, puis vient le script à partir duquel on imagine la trame du futur ouvrage : d’où part-on, où va-t-on, comment y va-t-on ? Avec bien sûr une obsession tout au long du trajet : rester cohérent. Et ce n’est pas toujours aussi simple qu’il y paraît, c’est même souvent compliqué.
Ecrire des fictions, du moins en ce qui me concerne, c’est à la fois vouloir distraire et instruire le public. Un livre qui m’amuse mais ne m’apprend rien, ne m’apporte rien. C’est là, où le roman se différencie de la biographie et de l’ouvrage historique qui doivent être rigoureux et ne sont pas là pour faire rire, sourire, ou pleurer. Lorsque j’ai écrit « Le Prix du sang bleu », une biographie du maréchal de France Joseph-Augustin de Mailly (17ème /18ème siècle) qui m’a demandé cinq années de travail, je n’étais pas dans le même état d’esprit, la même démarche que pour « Amadou l’enfant soldat ». Et ce grand écart est aussi une superbe expérience. J’ai en cela une profonde admiration pour les biographes qui sont de véritable « rats » de bibliothèque, au sens noble du terme. J’ai récidivé dans le genre un peu plus tard avec une biographie « romancée » du cardinal Grente, mais avec cette légèreté qu’apporte la note romanesque au récit et rend le texte plus fluide, moins imperméable ou hermétique au lecteur. J’ai aussi beaucoup aimé écrire des romans « historiques » comme « Adolf H », « Trois divas et un divan », ou encore « Ces Messieurs de Heidelberg » qui constituent un mixte entre actualité et saut dans le passé. En fait chaque chaque genre littéraire, sans oublier la poésie, les essais, y compris la BD, à son charme particulier.
Albert Einstein a écrit à juste titre « La logique vous emmènera d’un point A à un point B, l’imagination vous emmènera n’importe où« . Il a parfaitement raison.
Ecrire, et avoir la joie, la fierté, le bonheur d’être publié, c’est aimer à la fois la solitude, le temps des recherches et de la rédaction, c’est aussi le plaisir de partager, d’échanger avec les lecteurs qui viennent à votre rencontre lors des séances de signatures, des dédicaces chez les libraires, dans les salons littéraires, où l’on fait aussi connaissance avec d’autres auteurs. Le romancier vit ainsi entre « ombre » et « lumière », dans le silence et le bruit, seul puis entouré. Ma plus grande satisfaction est d’apporter à ces lecteurs quelques moments d’évasion, de détente, de distraction, voire de connaissances, grâce à un livre, cet objet merveilleux, magique qui depuis Gutenberg traverse les siècles indépendamment des nouvelles technologies de l’information. Je ne saurais cependant oublier nos grands ancêtres : les premières tablettes d’argile de Mésopotamie, les rouleaux de papyrus d’Egypte, et la formidable bibliothèque d’Alexandre en Egypte créée au IIIème siècle av. J.-C., ou encore celle d’Athènes.
Au moment où j’effectue la « première » relecture de mon nouveau roman, il va me falloir encore quelques temps pour amender, enrichir, corriger (le style, la syntaxe, le vocabulaire, etc.) le texte en sachant qu’il ne sera jamais parfait, même si le tapuscrit est également relu par une correctrice professionnelle. Il y a aussi le choix du titre (essentiel), ce qui est fait, celui de la future couverture (essentielle également) qui en voie de réalisation en collaboration avec un infographiste, de la maquette de l’ouvrage (mise en page), avant la signature d’un « bon à tirer » pour l’imprimeur » et enfin la réception de l’ouvrage avant sa mise en rayons en librairie, car la publication d’un livre est une œuvre individuelle et collective, celle d’une grande famille, d’une chaîne de l’amitié dont les maillons forts sont le correcteur, l’infographiste, le maquettiste, l’imprimeur et le libraire. Sans eux un écrivain n’est rien. Alors si tout va bien, peut-être découvrirez vous ce nouveau voyage imaginaire cet été, sous un parasol, au bord de la plage, et je vous souhaite par avance bonne lecture de ce dernier opus dont le titre sera, je vous livre un scoop : « L’Amour au bout de l’enfer« , une histoire romanesque et romantique, sur fond de guerre au Moyen-Orient. Quant à moi il ne me restera plus qu’à me remettre au travail, toujours aussi passionné et enthousiaste que voici vingt-cinq ans, convaincu que je vis une merveilleuse aventure, une vie que je n’échangerais contre aucune autre.
Je vais vous confier le secret de ce bonheur d’écrire, mais ne le répétez à personne. Charles Bukowski a écrit un jour : « Le problème est que nous cherchons quelqu’un avec qui vieillir, alors que le secret est de trouver quelqu’un avec qui rester enfant ». Pour moi, l’écriture a accompli ce miracle et ma dette envers elle est immense.
JY Duval, journaliste écrivain