A l’époque où je faisais mon droit, j’ai, comme beaucoup d’étudiants, rêvé de faire Sciences Po mais l’objectif était inaccessible. J’ai enfoui ce rêve dans ma poche et mis mon mouchoir par dessus, non sans beaucoup de regrets. Aujourd’hui quand je vois ce que la grande école de la rue Saint-Guillaume, qui forme les élites républicaines, est devenue je me dis, quel gâchis !

C’est dans l’ADN de toute université que de susciter le débat, qui favorise le sens critique, parmi les étudiants, surtout lorsque celle-ci a vocation à former des hauts fonctionnaires ou des responsables politiques. Lorsque j’étais à la fac il y avait à l’époque deux sujets qui animaient les amphis, le maoïsme et la guerre du Vietnam et ceux-ci donnaient lieu à des confrontations entre deux camps, que je nommerai « conservateur » et « progressiste », des mots à la mode en ce temps-là, qui étaient loin de refléter la réalité.  Je continue de penser aujourd’hui qu’il y a une certaine hérésie à qualifier le « marxisme » de progressiste quant on connait l’ampleur de son échec économique et par voie de conséquences social, sans oublier sa négation à propos de la liberté d’expression. République populaire, oui, mais sans le peuple ! Il y avait ceux qui étaient à gauche, adhérents de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) de Krivine, et les pro-chinois de l’association des amitiés franco-chinoises qui ne voyaient qu’à travers le « petit livre rouge » du grand timonier. Les mêmes étaient le plus souvent membres de l’UNEF de Daniel Sauvageot. Et puis il y avait les autres, classés à droite, dont j’étais, militants gaullistes pour la plupart, ce qui était mon cas, de surcroît adhérent au syndicat étudiant concurrent : la FNEF. Et les oppositions idéologiques entre les uns et les autres étaient loin d’être seulement rhétoriques et pacifiques. C’est le propre de la jeunesse que de s’engager, si on ne le fait pas à vingt ans, on ne le fait jamais. Sur ce point l’engagement d’une partie des étudiants de Sciences Po, en faveur de la cause palestinienne, n’est ni surprenante, ni choquante. Elle est naturelle et légitime.

Ce qui est beaucoup plus critiquable, voire condamnable, outre le fait qu’ils sont instrumentalisés par un parti islamo-gauchiste comme LFI, voire des officines étrangères proches du Kremlin, c’est le fait que certains puissent se réclamer ouvertement d’un mouvement terroriste, d’inspiration islamiste, le Hamas. C’est le fait aussi que ces mêmes étudiants n’ont pas élevé la moindre protestation après les massacres d’israéliens du 7 octobre dernier. Leur comportement a donc un parfum nauséabond d’antisémitisme répréhensible par la loi, cette même loi qu’ils seront sensés défendre demain, devenus grands commis de l’Etat. C’est d’ailleurs au motif « d’apologie du terrorisme » que Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l’assemblée nationale, ainsi que Rima Hassan, une militante controversée de la cause palestinienne, députée des Deux-Sèvres, sont actuellement poursuivies par la justice.  Personne ne s’étonne d’ailleurs que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon place la Palestine au cœur de la campagne des Européennes, or jusqu’à plus ample informé la Palestine se situe au Moyen-Orient et non dans l’espace européen. Il faut être vraiment aveugle pour ne pas voir là un dessein électoraliste visant à séduire la clientèle des  cités, souvenons nous que lors de la dernière élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon a obtenu près de 50% des voix en Seine-Saint-Denis.

Le plus inquiétant dans tout cela c’est que les étudiants de la rue Saint-Guillaume, dont Sciences Po est jumelé avec l’université américaine de Columbia, se font les propagandistes du wokisme d’inspiration d’outre-Atlantique, la cancel culture qui, aux yeux de beaucoup n’est que l’expression « d’une gauche haineuse, sectaire, intolérante et fanatique ».  Ce même wokisme qui est devenu l’idéologie dominante sur les campus des plus grandes universités américaines, Harvard en tête. Ce même wokisme qui va à l’encontre de l’universalisme français résolument hostile à la fracturation des individus selon des clivages sexuels, raciaux, ethniques, etc.

Qu’un certain nombre de jeunes intellectuels, de gauche, aient reconnu leur erreur pour avoir milité dans les années 1960-1970 dans des mouvements trotskystes ou pro chinois est une chose, il est en revanche beaucoup plus difficile de justifier aujourd’hui un engagement aux côtés d’un mouvement islamiste radical, antisémite, reconnu comme terroriste, tel que le Hamas, proxy de la République islamique d’Iran, lorsqu’on a vint ans et qu’on est étudiant à Sciences Po.

Dans les années 1920, Lénine parlait du gauchisme comme « la maladie infantile du communisme », un siècle plus tard l’islamo gauchisme n’est pas une maladie infantile, mais un véritable cancer pour la gauche qui, si elle n’y prend garde, va creuser sa tombe.